Littérature française

Serge Joncour

Chaleur humaine

✒ Nicolas Mouton

(Librairie Le Presse papier, Argenteuil)

Laissée sur un paysage de désolation heureuse à la fin de Nature humaine, nous retrouvons la ferme des Bertranges, dans le Lot, vingt ans après. Alexandre a maintenant 57 ans et, au début de l’année 2020, de Covid en Scylla, il voit revenir ses sœurs, fuyant le confinement.

Dès les premières pages de Chaleur humaine, Serge Joncour nous prend par l’épaule : son écriture généreuse et chantante nous prépare à la contemplation. Quelques personnages fidèles à une terre isolée voient passer dans le ciel des voyageurs incessants. Des liens entre les deux romans sont vite rappelés (Constanze, Crayssac…) et la chronologie, comme une mémoire, permet de s’y retrouver. Délicieuse ironie lorsqu’on apprend que les trois sœurs, devenues urbaines, se sont réincarnées en éoliennes : elles brassent du vent. Contrairement à Constanze, devenue conservatrice de la réserve naturelle, « La Reviva ». La question du temps fait toute la différence entre les deux romans : bien que d’une épaisseur identique, l’un court sur trente ans, l’autre sur trois mois, de janvier à mars 2020, quand l’épidémie s’avance à pas de loup. Temps de la nature, temps des hommes et temps du roman. La mesure du temps règle l’imaginaire. Le roman revient comme un printemps. Comment les liens familiaux et ceux de la nature vont se renouer, dans quels conflits ? C’est là tout l’enjeu de ce huis clos aux fenêtres grandes ouvertes. Un pacte semble se nouer avec la nature, dont la chaleur humaine est l’horizon. On l’aura compris, ce roman fluide et fort comme une rivière dévalant la montagne est avant tout une méditation sur la condition humaine dans laquelle le lecteur trouvera des formules de la plus belle eau : « À la fin de chaque hiver, il y a un jour où les gens se remettent à ne plus presser le pas mais à flâner. » Joncour n’est pas qu’un habile conteur : c’est aussi un styliste et un observateur très fin. Mais l’un va-t-il sans l’autre ? Il est rare qu’une suite romanesque ne déçoive pas : celle-ci enchante.

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