Littérature française

Monica Sabolo

La Vie clandestine

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Chronique de Nicolas Mouton

Librairie Le Presse papier (Argenteuil)

Novembre 1986 : Georges Besse, PDG de la Régie Renault, est assassiné devant son domicile. L’attentat est revendiqué par Action Directe. Dans son nouveau roman, Monica Sabolo reprend toute l’histoire, rencontre sa propre « vie clandestine » et signe son chef-d’œuvre.

L’incipit annonce un voyage au bout de la nuit : « Je ne sais plus comment cela a commencé ». C’est l’histoire d’une buse empaillée qui va devenir une mésange bien vivante. De la première à la dernière page, ce roman file la métaphore des oiseaux. Mais de qui la buse abuse-t-elle ? Et qui sont « mes anges » ? Aux premières pages du livre, la narratrice est à la recherche d’un sujet pour son prochain roman et le « hasard » la fait tomber sur l’histoire du groupe armé d’extrême gauche Action Directe (1979-1987) dont les quatre figures principales ont marqué jusqu’au début des années 2000 la mémoire collective. Tout un monde évanoui dont elle se croit étrangère. La première partie est une éblouissante synthèse des années gauchistes en Europe, pages que l’on ne peut lâcher : on est pris par le romanesque de l’Histoire et le choc que les crimes de sang produisent sur notre conscience. Il y a chez Monica Sabolo une profonde honnêteté et beaucoup de modestie ; sa prose est admirable de clarté et d’efficacité. Peu à peu, elle découvre une secrète parenté entre la culture de la clandestinité des activistes et les ombres de son propre roman familial, dominé par la figure du père disparu et la question de la culpabilité. Rencontres, pièces à conviction (photos), écrits, tout interroge la fiction, le roman et ses liens avec la réalité : « Personne ne ment, le spectre a juste prix la main. » Et si la littérature était avant tout une affaire de mots de passe ? Tout conduit à l’épreuve du face-à-face (sublime troisième partie), chemin qui ouvre au possible pardon et s’achève sur la pierre d’une ville qui porte le nom de la colombe. Cela serre le cœur et vous apaise, comme un voyage au bout du jour.