Littérature française

J.M.G. Le Clézio

Bitna, sous le ciel de Séoul

illustration

Chronique de Betty Duval-Hubert

Librairie La Buissonnière (Yvetot)

Séoul et son tumulte urbain, ville apaisée par la magie des histoires racontées, insérées dans le récit. Ville fascinante dans laquelle s’agitent des milliers d’anonymes aux histoires, aux déceptions et aux rêves multiples.

Bitna, sous le ciel de Séoul, c’est aussi l’évocation d’une amitié entre deux femmes seules et solitaires, comme perdues et étrangères dans l’immensité de la ville, un hommage au pouvoir des mots contre la tristesse, l’isolement, la maladie, l’anonymat. Ce pourrait être en filigrane le rêve de voir les deux Corée enfin réunies, la possibilité de revenir sur les terres de ses ascendants, sans barbelés, sans frontière, sans armes. Les personnages imaginaires ou réels, rebondissant d’une histoire à l’autre, peuplent ce récit d’humanité et de tendresse dans une cité de mouvements incessants et d’aveuglement forcené. Bitna, jeune femme fraîchement arrivée d’une bourgade provinciale et reculée, s’émancipe peu à peu, prend son essor et son envol dans le pouvoir du langage et de l’imagination. Les mots deviennent dépendance, ses histoires créent une accoutumance, un espace de rêves et de désirs partagés. Elle raconte à Salomé, à intervalles réguliers, des histoires que son imagination diffuse, inspirées de ce qu’elle entrevoit, de ce qu’elle a entendu, vu, jeune femme alerte et vive sillonnant la ville. Salomé est alitée, ne bouge plus et afin d’apaiser ses souffrances physiques se nourrit des mots et des récits de vie que Bitna partage avec elle. Elle la rétribue pour cela se délectant de ses talents de conteuse et d’invention, le temps d’oublier la douleur et une mort proche. C’est une invitation au voyage, à la découverte de l’autre, l’ouverture d’une porte vers la liberté, un cheminement vers ses propres rêves et ses souvenirs. Les mots libèrent d’un carcan quotidien, aident à prolonger espérance et vitalité. Le lecteur est emporté par cette magie opérante, bienheureux d’avoir côtoyé ces personnages, oublieux de la distinction entre fiction et réalité.