Littérature française

Sylvie Le Bihan

Amour propre

✒ Lydie Baillie

(Librairie Aux lettres de mon moulin, Nîmes)

Sylvie Le Bihan traite magistralement, avec profondeur, d’un sujet tabou qui questionne toutes les femmes : l’impossible faiblesse des mères, la prétendue infaillibilité de l’amour maternel. Un roman puissant, libérateur !

Dans un style percutant, Sylvie Le Bihan énonce, haut et fort, le ressenti contraire à la morale, que toutes les mères taisent. Alors que la société a fabriqué le mythe du bonheur absolu dans la maternité, il est indéniable que la liberté de la femme est confisquée lorsqu’elle devient mère. Dans Amour propre, Giulia, mère de trois grands enfants, n’a qu’une attente, vivre sa vie de femme maintenant que ses fils vont rejoindre leur sœur sur le chemin de l’université. Une libération pour Giulia qui a le sentiment d’avoir été dépossédée de sa vie de femme pendant vingt ans, seule à élever ses enfants depuis son divorce. Ses espoirs vont chavirer lorsque ses garçons décident de reculer la date de leur envol ; une année sabbatique leur sera nécessaire avant de quitter le foyer maternel. Giulia qui pensait avoir fait au mieux pour l’éducation de ses enfants, le ressent comme un échec poignant. Tout s’effondre. Elle aime ses enfants mais ne supporte plus cette privation de liberté. Giulia craque ! Mais un terrible sentiment de culpabilité l’envahit. Est-elle devenue une mère indigne comme sa mère l’a été quand elle était bébé ? Elle qui a abandonné Giulia à l’âge de huit mois, bébé élevé par son père dans l’ombre d’une maman absente. Une femme qui ne pouvait envisager d’être mère de famille, effrayée par l’idée du sacrifice de soi. À son tour, pour se protéger, Giulia doit partir, prendre du recul. Ce sera l’occasion de réaliser son rêve, d’aller à Capri pour mener à bien un projet de livre sur Curzio Malaparte, l’auteur fétiche de sa mère ; le seul héritage qu’elle lui a laissé en la quittant. L’écriture sera pour Giulia une quête de soi, une mise à nu, un chemin qu’elle devra prendre pour fuir sa vie de mère, pour se libérer de la fille sans mère qu’elle a été et s’accepter enfin comme femme.

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