Littérature française

Mathias Énard

Tout sera oublié

photo libraire

Chronique de Nadège Badina

Librairie Le Square (Grenoble)

En 1995, les Bosniaques, les Croates et les Serbes mettent un terme à la guerre qui les oppose. Pierre Marquès est invité à ériger un « putain de monument à la con » à la mémoire du conflit et de ses milliers de victimes. Mais comment représenter le supplice de ces gens quand on n’a pas connu leurs souffrances, ni le bien-être et la paix dans lesquels ils avaient si longtemps vécu ensemble. Il faut pousser plus loin, jusqu’au vide et au silence de la forêt sous la neige. Là, à travers les ruines de cette guerre que finalement tout le monde a perdue, Pierre Marquès discerne progressivement les non-dits et les empreintes des corbeaux et des loups sur le sol, puis il réussit à les transformer en art. Mathias Énard l’accompagne de sa plume à la fois glaçante et enivrante, et rend avec beaucoup de justesse l’ambiguïté de la situation. Mais son texte perdrait de son impact si les illustrations, opalines et naturalistes, ne mettaient en lumière les détails qui forgent une histoire, des histoires, l’Histoire. Un récit dur et magnifique.

illustration