Littérature française

Line Papin

Les Os des filles

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Chronique de Madeline Roth

Librairie L'Eau vive (Avignon)

Line Papin revient sur les lieux de son enfance, à Hanoï. Des années après, elle met ses pas dans ceux de sa mère et éclaire ainsi la famille, l’exil, la douleur, le corps qui souffre et la perte.

« Elles ont 15 ans, 17 ans, elles ont l’âge de devenir bientôt des femmes et ce sont des enfants parce qu’elles avancent à reculons, pour expirer en arrière, d’où elles sont venues, pour effacer ce qu’il y a là, derrière. » Depuis L’Éveil (Stock et Le Livre de Poche), prix de la Vocation en 2016, on connaît l’écriture de Line Papin qui analyse, creuse la matière même des mots. On revient à Hanoï, mais cette fois-ci, l’histoire d’amour est celle de ses parents. L’auteure raconte ici son histoire, celle d’une jeune fille qui est née et à vécu au Vietnam jusqu’à l’âge de 10 ans. Treize ans après, elle revient, comme sa mère avant elle, « pour tenter de réconcilier le passé et le présent, les deux continents et mes membres souffrants – pour tenter de me réconcilier ». Le récit débute en 1945 et s’achève aujourd’hui. Dans des pages magnifiques, troublantes parce qu’au plus près des émotions, l’auteure interroge sa propre histoire et son corps, malmené par l’anorexie. Elle vient, « en paix, ouvrir le chapitre de cette histoire qui a fait tant de naissances, de joie, tant de douleurs, de morts, tant de guerres » : la grande Histoire dans la sienne. Line Papin n’a pas peur et cela se ressent à chaque page, tant le souffle est court, la douleur dans les os prégnante. Changeant de point de vue (on passe de la première personne du singulier à la troisième), le récit creuse les douleurs dont l’on hérite malgré soi. « C’est inimaginable de se combattre au point d’en crever, d’avoir un visage qui hurle à sa place : “May Day, May Day”. » Les dernières pages du livre sont les plus douloureuses mais il faut parler, guérir, revenir et recommencer. Il faut trouver le « je » et s’y accrocher, comme aux souvenirs. Et « rester, parce que l’on est ».

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