Littérature étrangère

Ferdinand von Schirach

L’Affaire Collini

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photo libraire

Chronique de François Reynaud

Librairie des Cordeliers (Romans-sur-Isère)

Auteur sur le tard de nouvelles criminelles sidérantes, Ferdinand von Schirach passe au roman. Un livre percutant qui dénonce l’indulgence judiciaire avec laquelle la criminalité nazie fut traitée par la justice allemande.

Mai 2001. Caspar Lienen, jeune avocat au barreau de Tiergarten, est commis d’office à la défense de Fabrizio Collini, un homme d’une soixantaine d’années qui reconnaît avoir sauvagement assassiné Hans Meyer, un vieil industriel respecté. L’affaire semble donc entendue et devrait être rapidement expédiée, puisque tout confirme la version de cet immigré italien, lequel refuse cependant de donner un mobile à son geste. Obsédé par la défense de son client, Caspar tient à éclaircir cette question du mobile. De plus, un détail qui avait jusqu’ici échappé à tout le monde va récompenser l’obstination du jeune avocat, faisant subitement basculer le procès dans une dimension totalement inattendue ! Avocat allemand spécialisé en droit criminel, Ferdinand von Schirach est déjà connu en France pour Crimes et Coupables, deux recueils de nouvelles parus chez Gallimard (disponibles en Folio), sidérants tant par la concision et la sécheresse du style employé que par la puissance d’évocation des faits rapportés. Inspirées d’affaires authentiques, von Schirach en a fait de véritables bijoux d’analyse, du point de vue de la psychologie humaine comme de la mécanique judiciaire. Avec ce court premier roman et cette même écriture pour le moins lapidaire, il questionne à nouveau la banalité du crime. Mais s’il s’attarde plus longuement sur cette affaire, c’est que ce crime-là, justement, n’est pas aussi banal qu’il en a l’air et nous renvoie – et avec quelle efficacité ! – aux heures les plus sombres de l’histoire allemande. La question de l’indulgence judiciaire à l’égard des criminels de guerre nazis dans l’immédiat après-guerre et la problématique de la prescription de ces crimes deviennent alors le véritable sujet de ce livre écrit par celui qui ne peut oublier que son grand-père, Baldur von Schirach, fut le « grand » chef des jeunesses hitlériennes.