Bande dessinée

Joe Sacco , Chris Hedges

Jours de destruction jours de révolte

illustration
photo libraire

Chronique de Roxanne Moreil

Librairie L'Oiseau tempête (Saint-Nazaire)

« Parce qu’ils ont semé le vent, ils moissonneront la tempête », c’est sur ces paroles du prophète Osée que s’ouvre le livre de Chris Hedges et Joe Sacco, et c’est dans cette phrase qu’est résumée l’idée qui préside au projet des deux auteurs. Jours de destruction, jours de révolte, raconte comment le capitalisme et le « progrès » mènent l’humanité à sa perte.

Le propos de Chris Hedges, journaliste américain récompensé par le Pulitzer pour un article paru dans le New York Times, et de Joe Sacco, auteur de BD considéré comme le père du roman graphique de reportage, est en vérité bien plus dense et plus complexe que les mots du prophète. Au travers de textes et de dessins, ils ont voulu montrer comment le système capitaliste et le règne du marché ont exploité, puis abandonné des populations et des cultures entières. Chacun avec son savoir-faire essaie de rendre compte de la violence de ces exclusions et de l’impact du capitalisme sauvage sur les hommes, les villes et l’écosystème. Longtemps, ces deux auteurs ont couvert des événements internationaux. En Amérique Latine et au Moyen-Orient pour Hedges, dans la bande de Gaza et en Bosnie pour Sacco. Ici, ils décident de braquer le projecteur sur leur pays, les États-Unis. De tous les pays industrialisés, il est celui qui compte le plus fort taux de pauvreté, la plus forte empreinte écologique, le plus fort taux d’homicides, le plus fort taux de mortalité infantile… la liste est longue et accablante. Il constitue, avec sa multiplicité culturelle et sa mixité, l’exemple malheureux de la disparition de pans entiers de cultures et de civilisations, au profit d’une globalisation insensée. Les quatre premiers chapitres du livre illustrent la parole du prophète Osée. L’homme a été créé pour être libre de ses choix. Et responsable. La construction du livre de Chris Hedges et Joe Sacco semble mener à la conclusion qu’il est indispensable d’ouvrir les yeux sur nos erreurs et que le temps est venu de réformer nos vies. Pour eux, il est essentiel de confronter les partisans du capitalisme débridé à la réalité de ce que génère leur système. Alors que le livre était encore en cours de composition, un mouvement de révolte a éclaté le 17 septembre 2011 au Zuccotti Park de New York. Le mouvement Occupy Wall Street naissait. La misère et le désespoir qu’avaient observé les auteurs se transformaient en un mouvement de révolte concrète. La rébellion organisée, qui jusqu’ici n’était pour eux qu’une hypothèse, prenait vie ! Elle devenait aussi réelle que les maux décrits dans leur livre. Après avoir lu Jours de destruction, jours de révolte, il sera impossible de mettre en cause la pérennité des mouvements indignés. Les « jours de révolte » sont là, nul ne peut les ignorer. Chaque ligne de Chris Hedges et chaque image de Joe Sacco réveillent la conscience endormie du lecteur, soulevant son indignation et son besoin d’agir.