Marion Fayolle illumine le ciel artistique de ses dessins depuis des années déjà. Quand il s'agit de dire sa famille, soudain dessiner ne suffit plus. Alors les mots fusent et le roman naît.

« Dès l'enfance, ils ont appris à dormir avec l'odeur des bêtes, avec leurs meuglements, les bruits des chaînes quand elles se grattent, celui des corps lourds qui tombent pour se reposer, des jets d'urine sur les grilles, des bouses qui s'éclatent sur la dalle. Ça se mélange aux ronflements du pépé, à ceux du frère derrière le mur, aux souffles de l'oncle, de la tante et de la mère. Ça se glisse dans les rêves des petits. » Dans une ferme familiale en Ardèche vivent toutes les générations. La jeune génération, celle qui a la charge de l'exploitation, vit d'un côté de l'édifice et l'ancienne, celle qui a cédé la main, vit de l'autre côté de ce même édifice. Au milieu, les bêtes. Elles sont au centre de la maison et sont le cœur de ce premier roman autobiographique où Marion Fayolle raconte les corps qui, de toute leur âme, font vivre la ferme. Elle raconte la vie qui tache et qui sent fort, l'enfance au pied du Montfol, comme toute sa famille avant elle, « la gamine ». Elle dit les vieux, les moins vieux et ceux sur qui on compte. Ici, on vit et on meurt, on accouche les vaches, on pouponne les petits-enfants, les « petitous ». On sait que les bêtes vont mourir et que les vieux aussi, dans le même lit que leurs parents avant eux. L'auteure, forte de ses publications chez Magnani, a préféré les mots au dessin pour nous offrir à lire un lieu où l'humain et l'animal vivent ensemble depuis si longtemps que l'humain est désormais une bête de chair et de sang enchaîné au pré. Il est difficile de ne pas être un tout. Les personnages d'ailleurs, dans ce roman, n'ont pas de noms. Ils tentent d'être des individus mais, en ce lieu, ils sont charpente. Sans eux, tout fout le camp. Ils sont du même bois. Dans l'odeur des écorces et du lait gras, ce roman puissant fera battre votre cœur fort.