Toutes les histoires d'amour ont été racontées, sauf une

Voici un roman qui contient mille histoires en une, comme l'auteur aime à nous en proposer. Il y a d'abord un narrateur qui s'inquiète de la disparition de son ami Léo, un photographe de renom. Pour essayer de comprendre ce qui s'est passé, il entreprend de nous retracer la vie de Léo et la genèse de leur amitié. Puis s'intercale un certain Harold, écrivain misanthrope dont le cynisme est archétypal du monde littéraire, quel que soit le pays où il se déploie. Ce roman se fait le miroir virtuose et lucide de l'entrelacement vertigineux de nos récits et de ceux des autres, farandole de poupées russes qui donne sens à nos existences. Acceptez de vous y perdre avec délice, entrez dans la danse quitte à en ressortir essoufflés : c'est distrayant et surtout vivifiant. Nancy Huston expliquait, dans L'Espèce fabulatrice (Babel), que tout est fiction chez l'humain, même s'il n'en a pas toujours conscience, notre prénom et nom de famille étant la première de ces fictions. Cette aptitude et ce besoin du récit, que ce soit celui de notre existence ou de celle d'autrui, seraient donc ce qui fonde notre humanité. À ce titre, la littérature est donc la seule de nos récits humains qui dise ouvertement «°je suis une fiction : aimez-moi comme telle°». Ce roman de Benacquista nous le rappelle avec brio. Le personnage d'Harold sera d'ailleurs l'occasion de trancher ce vieux débat : la littérature est la vie, tout autant que la vie est la littérature, et tout récit est celui d'un amour, quelle que soit la forme où il s'incarne. Le titre de ce roman annonçait la couleur : Toutes les histoires d'amour ont été écrites sauf une. Alors, laquelle de ces fictions n'a pas encore été écrite ? Sans doute celle que chacun et chacune d'entre nous n'a pas encore eu le courage de vivre.