Bande dessinée

Nicolas Dumontheuil

La Forêt des renards pendus

illustration
photo libraire

Chronique de Etienne Froger

Librairie Agora (La Roche-sur-Yon)

Plongez au cœur de l’univers burlesque d’Arto Paasilinna à travers cette adaptation en bande dessinée fort réussie de l’une de ses œuvres. Si vous avez lu le célèbre Lièvre de Vatanen, place ici au renard de Raphael. Suivez-le bien… car il fuit sans cesse. Vous serez pris au piège de la lecture jusqu’au bout.

C’est sur l’air de la célèbre chanson d’Abba que Raphael, au volant de sa belle voiture, fuit vers le nord de la Finlande sa condition de gangster pour y enfouir son or et y trouver la paix à l’abri des regards. Pas tout à fait cependant, car il est rejoint par Remes, officier « en permission », car alcoolique, grand gaillard et prompt à l’emportement, surtout très heureux de s’éloigner de sa femme. Raphael, plutôt menu et calme, a besoin d’un guide pour survivre dans cet environnement hostile. C’est ainsi que Remes, apprenant que Raphael possède beaucoup d’or, accepte d’être son quasi-esclave et d’accomplir toutes les tâches quotidiennes. Nos deux hommes se tiennent compagnie dans une maison de bûcheron, en une cohabitation bien cocasse. Jusqu’au jour où une vieille dame lapone, Naska, voulant échapper à la maison de retraite, vient frapper à leur porte après une longue marche seule dans la neige. Cette mamie providentielle assume désormais l’entretien de la maison. Elle reprend goût à la vie auprès des deux hommes, qui font preuve d’une extrême bienveillance à son égard. L’harmonie est totale lorsque Noël arrive. La joyeuse troupe s’est élargie avec la présence de deux charmantes jeunes femmes, Anieta et Christine, créant ainsi une ambiance de fête et de cure de jouvence. Évoquons maintenant ce renard qui sert de fil conducteur à l’histoire en visitant régulièrement ses amis humains. Lesquels ne voient en lui qu’une proie potentielle. Paasilinna aime les animaux. Ce n’est pas un lièvre qui accompagne notre héros, mais un renard qui, dans toutes les mythologies, a toujours été associé à la ruse et la malice. Il réservera bien des surprises à notre bandit qui n’avait jamais eu de morts sur la conscience. Belle et fidèle adaptation du roman de Paasilinna, on ne s’ennuie pas une seconde. Nicolas Dumontheuil restitue à merveille la trame du roman, le verbe y est souvent truculent, à l’image du personnage de Remes, prêt à jurer et guerroyer pour un rien. Le choix d’une seule couleur aux apaisantes nuances de brun est parfaitement adapté au paysage de neige et de forêt dans lequel évoluent nos protagonistes. Le support de l’image renforce le comique de situation quasi permanent. Les visages sont expressifs grâce au joli coup de crayon qui donne vie à ce petit monde tranquillement réfugié au sein de ces hautes latitudes nordiques. On sait que Paasilinna est né dans un camion pendant l’exode de 1942. Cet événement l’a marqué. Il met en scène des personnages en quête de rédemption et de renaissance. On y retrouve ce milieu de la forêt cher à l’auteur qui a travaillé un certain temps comme bûcheron. Bravo à Nicolas Dumontheuil pour cette adaptation en bande dessinée, où le texte et l’image sont absolument délicieux de fantaisie et de malice, fidèle à l’humour décapant de Paasilinna.

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