Polar

Patrick Pécherot

Hével

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photo libraire

Chronique de Nadège Rousseau

Librairie Passages (Lyon)

Patrick Pécherot revient avec Hével, un roman magnifiquement écrit, un véritable théâtre d’ombres. Car rien n’est aussi simple qu’il n’y paraît et il le prouve une nouvelle fois.

1958, dans le Jura. À bord de leur camion, Gus et André parcourent les routes à la recherche de frets potentiels. 2018 : Gus livre son histoire à un écrivain qui enquête sur un meurtre oublié depuis des décennies. Au fil du texte, les points de vue se multiplient et la narration nous embarque sur des terrains pleins d’ornières et de chemins de traverse, où tout est de plus en plus flou. D’un côté, la guerre d’Algérie fait rage, les répercussions des « troubles » sont visibles jusque dans les coins les plus reculés, et Gus et André sont confrontés à des tensions intercommunautaires. Jusqu’au drame. De l’autre, Gus semble prêt à tout raconter aujourd’hui mais sa confession reste fuyante : il va parler, « mais ce sera comme [il] l’enten[d] ». Alors il prend son temps, et Pécherot aussi. Nous baladant de chapitre en chapitre, ils jouent avec leur auditoire et brouillent les pistes. Au final, peut-on être certain de quoi que ce soit ? Y a-t-il jamais une seule version de la vérité ? Et d’ailleurs, qu’est-ce que la vérité ? Celle écrite noir sur blanc dans un dossier de police ? Celle que l’on raconte avec assez de conviction ? Habilement, finement, Pécherot mêle la tension inhérente au récit policier et une vision sociale, politique et littéraire des événements. Splendide !