Littérature étrangère
Kathleen Winter
Annabel
-
Kathleen Winter
Annabel
Traduit de l’anglais (Canada) par Claudine Vivier
Christian Bourgois éditeur
07/02/2013
454 pages, 20 €
-
Chronique de
Laurence Hurard
Librairie Lettre et merveilles (Pontoise) -
❤ Lu et conseillé par
9 libraire(s)
- Emmanuelle Belle de Maison du livre (Rodez)
- Anne Dagorn-Lévy de Pages après pages (Paris)
- Lydia Moretti-Gleyses de Les Racines du vent (Chevreuse)
- Valérie Barbe de Au brouillon de culture (Caen)
- David Piovesan de Au Temps retrouvé (Villard-de-Lans)
- Alexandra Romaniw de L'Atelier (Paris)
- Sarah Gastel de Adrienne (Lyon)
- Lolita Gomez de Paroles (Saint-Mandé)
- Alain Belier de Lucioles (Vienne)
✒ Laurence Hurard
(Librairie Lettre et merveilles, Pontoise)
Wayne Blake naît à la fin des années 1970 dans un coin reculé du Labrador. Les bois y sont profonds et les plages solitaires sous les aurores boréales. Treadway, le père, pose des lignes de trappe dans les bois et Jacinta, la mère, est de ces femmes silencieuses qui savent « pêcher sur glace et coudre des mocassins en peau de caribou ». Ils vivent en profonde harmonie avec une nature souveraine. Rien ne pouvait les préparer au choc de la naissance de Wayne. En effet, leur enfant est à la fois fille et garçon, il est ce qu’on appelle aujourd’hui un être intersexué et que l’on désignait autrefois sous le terme d’hermaphrodite. Incapables de formuler ce qui leur tombe dessus, ils se taisent, se cachent, et Treadway décide que Wayne est et sera un petit garçon. Jacinta, elle, ne peut s’empêcher de penser à la petite fille qu’est, peut-être, son enfant. Seule Thomasina, amie du couple présente à la naissance, accompagne leur secret, telle une figure tutélaire et bienveillante. Wayne grandit, lutin poétique et décalé. Bien que gavé de traitements hormonaux, il est de moins en moins garçon. Wayne devra parcourir un long chemin, parfois douloureux et violent, pour trouver en lui-même, dans son corps et dans sa belle âme, le point d’équilibre entre sa masculinité et sa féminité. S’il y a dans ce magnifique roman des pages cruelles sur l’incapacité de certains à accepter la différence et sur la violence d’une société si mal à l’aise avec les zones troubles de l’ambiguïté, Wayne est également entouré de figures aimantes, douées d’une infinie capacité de compréhension et de compassion, tel Treadway, le père, que l’on imagine au début du roman enfermé dans sa vision du monde et dont on découvrira l’extraordinaire générosité. Enfin, ce roman est littéralement porté par la grâce de son écriture. Si Kathleen Winter ne s’appesantit jamais sur la description d’un sentiment, sa manière pleine des vibrations et des beautés du monde nous plonge en permanence au cœur du mystère de la vie et de l’identité.