Essais

Étonnamment vivants

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RR

✒ Raphaël Rouillé

(Bibliothèque/Médiathèque de Saint-Christol-lez-Alès Saint-Christol-lez-Alès)

Sous les mers et sous les océans, à l’orée des forêts, tout près de nous, dans nos maisons ou parcourant la vie sur terre comme dans le ciel, des créatures aussi étranges que fascinantes sont là, elles peuplent notre monde vivant. Trois ouvrages nous invitent à les découvrir ou à les redécouvrir, nous offrant un très beau voyage à leurs côtés et parfois quelques sueurs froides.

Intelligent, passionné et poétique, le livre de Bill François, intitulé Les Génies des mers, nous propose un superbe moment au contact des animaux marins défiant la science. Merveilleusement illustré par Valentine Plessy, dont le dessin est doué de grâce et de précision, l’ouvrage nous fait littéralement plonger au fond des mers, en compagnie de créatures aux pouvoirs invraisemblables. D’emblée, le sommaire affiche un classement de ces êtres aquatiques en fonction de leurs super-pouvoirs : nage, suspension, énergies, êtres de lumière, perceptions… Chaque catégorie révèle une spécificité et chaque animal marin est ensuite décrit en fonction de ses capacités hors normes et de ses prouesses. Toujours avec humour, le biophysicien et naturaliste, déjà auteur du livre Éloquence de la sardine en 2019, nous captive page après page. Les punaises d’eau, nous dit-il par exemple, « passent leur vie à marcher à la surface des mers, sans jamais couler, ni même se mouiller. Pour réussir ce miracle digne de Jésus, elles utilisent la force de la surface elle-même : la tension superficielle ». Quant aux anchois, l’auteur nous explique comment ils « voient l’invisible ». Le cachalot, lui, est « capable de tenir plus de deux heures en apnée ». Sur la peau du poisson-ange, tout en motifs et en nuances, se dessine, en ocelles, « la clé de toutes les formes du vivant ». Quant à la raie torpille noire, elle « servait déjà de source d’énergie à l’homme avant qu’elle ne nous permette de découvrir l’électricité, puisque l’huile extraite de son foie était un carburant réputé ! ». Voilà donc quelques exemples de toute la beauté et de tout le génie de ce monde vivant, observé de manière détaillée. Bill François décrit ainsi, avec une grande rigueur scientifique, une faune marine extraordinaire, mettant à la portée de tous les mécanismes physiques qui la régissent.

Avec Le Monde vivant 2, Bruno David et Guillaume Lecointre nous entraînent dans une balade non moins captivante, nous invitant à prendre le temps d’observer et de connaître le monde vivant qui nous entoure. À travers les portraits acérés de l’éléphante, de l’élasmosaure, de la moule, du castor d’Europe, du kiwi ou de la mandragore, les auteurs suivent les traces de 110 habitants de notre monde vivant, végétal ou animal. Chaque portrait s’intéresse à l’histoire, aux origines et au développement de ces espèces et montre aussi quelles sont leurs liens et interactions avec l’homme. Sous forme de déambulations, le livre est à la fois sérieux et drôle, documenté et libre dans son approche, pas trop formel mais propice à la découverte et à la curiosité. Le lecteur se laisse happer par le style concis et très précis à la fois. Reprenant les chroniques de France Culture, l’ouvrage nous parle de vie, d’évolution, de connaissances et de partage. Car les auteurs ont à cœur de transmettre et le livre foisonne de références culturelles, signe d’une ouverture d’esprit qui indique aussi que, finalement, tout sur terre est lié. Après le succès du premier volume consacré à ce monde vivant en 2022, les lecteurs pourront se délecter de ce deuxième volume pouvant se lire de manière totalement indépendante. Ils y retrouveront les mystères et les curiosités qui n’en finissent pas de nous étonner.

Mais attention, le monde des vivants n’est pas toujours merveilleux ! La cohabitation entre l’homme et d’autres formes d’existence se révèle parfois difficile à accepter. Guidé par ses peurs, ses phobies et parfois ses a priori, l’homme n’aurait-il pas tendance à occulter le vrai pouvoir de certaines petites bêtes ? C’est en tous cas le constat de Nicolas Gilsoul qui, dans Peurs bêtes, est allé à la rencontre de « ces animaux qui partagent nos territoires mais qu’on préférerait voir traîner ailleurs ». Rats, frelons asiatiques, araignées, méduses, chenilles, loups, vautours, serpents… sont-ils vraiment les plus moches et les plus dangereux parmi ceux qui nous entourent ? Parce qu’ils vivent près de nos villes et de nos habitations, l’homme n’aurait-il pas intérêt à mieux connaître leurs comportements pour dissiper ses peurs et éviter les sueurs froides ? Pour cet auteur naturaliste dans l’âme, le vivant sous toutes ses formes est devenu la priorité. En s’intéressant aux « mal-aimés » du monde vivant, il revient sur l’histoire de la guêpe, du crocodile ou des vers et ausculte leurs comportements, leurs caractéristiques et l’image qu’ils véhiculent, à tort ou à raison, l’essentiel pour lui étant d’essayer de comprendre et de connaître ces créatures fantastiques, souvent terrifiantes mais bien vivantes.