Jeunesse

Une cabane à soi

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Par Gaëlle Farre

Librairie Maupetit (Marseille)

Installez-vous confortablement car je vous emmène en terre d’imaginaire, au cœur des jeux de l’enfance qui prennent place en pleine nature. À travers ces trois albums, je vous invite à célébrer la créativité et l’insouciance enfantines, à profiter des bienfaits du jeu et de la vie dans les arbres. Vous me suivez ?

Pour commencer, voyons grand et partons pour un tour du monde à dos de grue ! Un concours mondial de cabanes a été organisé et la grue-narratrice du Concours de cabanes va les visiter une à une. Le voyage démarre au Japon dans la cabane du camphrier et se terminera dans celle du baobab en Afrique. Entre-temps, cinq autres contrées auront été visitées. Je ne révèlerai pas tout, mais sachez que tous les continents sont représentés : on passe notamment par la Méditerranée (dans un pin parasol), on poursuit en Amérique méridionale (dans un cyprès des marais mexicains) avant de filer vers le Liban, dans un cèdre. Les sept arbres-cabanes représentés sont tout bonnement extraordinaires, par leur taille d’abord et aussi par les installations majestueuses faites par chaque groupe d’enfants. Camille Garoche a placé mille surprises visuelles dans ces grandes planches (le format de l’album est à l’avenant : il mesure 27 par 34 cm !) et je vous mets au défi de retrouver un Chibi-Totoro, le plant de pommes de terre niché au creux d’une branche et le lapin-bélier qui apparaît ici et là ! En plus de célébrer les cabanes, cet album est une invitation au voyage et à l’ouverture sur le monde. À noter que les lecteurs sont également invités à désigner la plus belle cabane. (Toutes les indications nécessaires pour participer à l’événement sont mentionnées à la fin de l’album.)

Plus modeste par sa taille mais non moins joli par l’esprit, Ma cabane de Guillaume Guéraud nous emmène maintenant vers un petit bout de paradis. Si vous assemblez quelques morceaux de bois, un parasol en guise de toit (parasol qui pourra, en temps voulu, faire office de parachute), une souche qui fera fauteuil et des fleurs sauvages pour la décoration, vous obtiendrez une cabane unique, une cabane de rêve. « Elle est toujours ouverte. Je ne lui ai pas mis de porte parce que, une porte, c’est trop compliqué à fabriquer. Et puis ça ne sert à rien. Dans un de ses murs, sur le côté, j’ai aussi laissé une ouverture, pour faire comme une fenêtre. » Le héros de l’album la compare tour à tour à un avion, un hélicoptère, un palais, un igloo. De cette cabane, son architecte dit encore : « C’est ma cachette. C’est mon château. C’est ma soucoupe volante. C’est mon sous-marin. C’est ma planète sauvage. C’est mon laboratoire scientifique. C’est ma maison hantée. C’est mon champ de bataille. C’est ma salle de spectacle. C’est mes aventures les plus délirantes. C’est ma cabane. ». Cet endroit rêvé a-t-il existé pour Guillaume Guéraud ? En tout cas, l'illusion est parfaite car on s'y croirait ! Et la mise en couleur et lumière d’Alfred renforce cette impression. Au bout de ses dessins, on se sent pousser des ailes estivales !

C'est au fond des bois que l'on termine le voyage dans une cabane-livre. Une cabane en forme de livre ? Mais oui ! Amandine Laprun, qui nous avait épatés avec Arbre (Actes Sud junior, 2017) revient avec un nouveau livre-objet, en forme de tipi cette fois. On suit deux enfants déguisés en Indiens qui vont créer, aménager et améliorer un espace bien à eux. Cabane est muet mais il s'y passe beaucoup de choses ! Les saisons défilent en arrière-plan et les enfants viennent jouer, apprendre à allumer un feu ou faire la sieste au fil des jours et des nuits. On suit les activités des enfants tandis que la nature, tout autour, ne s'arrête jamais. On voit des renards, des écureuils et des oiseaux ; on prend la pluie, on admire la pleine lune et on cueille des champignons. En ne posant aucun mot sur les scènes, l'artiste laisse libres ses lecteurs, mais aussi ses héros, de mener leurs jeux ; elle laisse toute la place à l'imaginaire et à la nature. Amandine Laprun nous fait respirer grâce à sa cabane qui se déploie à 360°. Force est de constater que la cabane a toujours ce pouvoir incroyable de transformer le plus petit carré d’espace en endroit merveilleux et de nous faire sentir le roi ou la reine du monde ! Longue vie aux arbres et à l’imaginaire !