Littérature française

Amin Maalouf

Un fauteuil sur la Seine

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photo libraire

Chronique de Véronique Marchand

Librairie Le Failler (Rennes)

En 1629, ils n’étaient qu’une petite dizaine d’amis que leur amour commun des lettres faisait se réunir aussi régulièrement que discrètement. Jusqu’à ce qu’un certain cardinal de Richelieu apprenne leur existence...

L’Académie française sera fondée en 1634 et c’est Pierre Bardin qui occupera le premier le fauteuil numéro vingt-neuf, qu’occupe aujourd’hui Amin Maalouf. Il n’y siégera que quatorze mois, puisqu’il se noiera dans la Seine, « ce qui lui vaut le triste privilège d’être le premier immortel à mourir ». Ainsi commence le livre d’Amin Maalouf qui, avec son formidable talent de conteur et son immense culture, brosse l’histoire parfois oubliée, voire ignorée, de ceux qui le précédèrent au vingt-neuvième fauteuil de l’Académie française. Si la notoriété de tous n’arriva pas jusqu’à nous, chacun fût célèbre en son temps et « le témoin précieux et éphémère d’une histoire qui le dépasse, et nous dépasse tous ». Parmi les dix-huit sociétaires, il y a des noms prestigieux, comme le cardinal de Fleury dont le règne dura si longtemps qu’on le surnommait volontiers « son éternité ». Et puis il y a Claude Bernard, qui se rêvait écrivain avant de devenir le savant le plus réputé de son temps. Vinrent aussi Ernest Renan, qui osa appeler Jésus « un homme », Henry de Montherlant, qui se donna la mort pas très loin de la Coupole, et Claude Lévi-Strauss, pour lequel Amin Maalouf éprouve une grande admiration. Ce qui rend la lecture de ce livre particulièrement agréable, en plus de l’intérêt historique, c’est le plaisir évident que l’auteur a pris à découvrir et raconter les destinées de ses « ancêtres », dont certains lui étaient parfaitement inconnus. Dix-huit portraits souvent surprenants, riches en anecdotes et citations savoureuses, où la courtoisie orientale d’Amin Maalouf prime sur tout autre sentiment. « Sans vouloir les défendre tous à tout prix, je me sentais porté à les regarder tous avec affection. Surtout les mal-aimés parmi eux, les incompris, les oubliés. »

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