Littérature étrangère

Roddy Doyle

Paula Spencer

illustration

Chronique de Emmanuelle George

Librairie Gwalarn (Lannion)

Irlandaise et veuve, Paula Spencer a 48 ans, quatre enfants et un douloureux passé baigné d’alcool. Désormais sobre, elle s’acharne à protéger sa tribu familiale. Ici c’est avec le sourire qu’on retient ses larmes !

Souvenez-vous du truculent univers de Roddy Doyle. Avec ses romans ( The Commitments , The Snappers , The Van ), aussi adaptés au cinéma par Alan Parker et Stephen Frears, vous vous êtes laissés embarquer en Irlande, un pays aussi populaire et vif que désespérant, un pays où pétillent des presque riens, où se multiplient les « emmerdements », où la fraternité humaine se déploie bien au-delà des pubs bruyants et chaleureux. Paula Spencer est une récidive brillante dans le genre dramatique pimenté d’humour : le combat acharné que mène une femme pour lutter contre les démons du passé. Au choix, la violence, la misère sociale et affective, et surtout l’alcool : pas de quoi donner envie de poursuivre bien longtemps son bonhomme de chemin. Et pourtant, ses enfants sont là, ils ont grandi, ce ne sont plus des gosses. Leanne, 22 ans est à la dérive, surtout pour se resservir des verres. Jack, à presque 16 ans, est fuyant et secret. Nicola est émancipée, mère attentive mais beaucoup trop protectrice, et John Paul est un ancien toxicomane. La maison est souvent vide, la télé, une piètre compagne, le frigo à remplir d’urgence dès la paie empochée. Et pourtant, Paula Spencer a encore la force de lutter, ruser et espérer. Ne pas replonger dans l’alcool, se lever pour aller faire ses ménages, réveiller les uns, prendre des nouvelles des autres. Sans compter que les douleurs de son drame conjugal ressurgissent. Tour à tour désespérée et en colère, Paula Spencer est déterminée et garde la tête haute pour reconquérir les siens et tenir le cap. Pour le superflu comme pour l’essentiel, sa force de caractère n’a pas son pareil. Ici, les descriptions sont brèves et percutantes, les dialogues nombreux et vifs, les répliques et les pensées souvent assassines. Pourtant bien souvent, la tendresse y est aussi réconfortante et les situations cocasses à souhait. À l’image de cette si attachante héroïne, la plume de Roddy Doyle va droit au but, débordant d’empathie et d’humour.

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