Littérature française

Emmanuel Ruben

Malville

MR

✒ Mylène Ribereau

(Librairie La Machine à lire, Bordeaux)

Après Les Méditerranéennes et Sabre, ce roman clôt une trilogie autour du personnage de Samuel Vidouble qui permet à Emmanuel Ruben d'explorer différents pans de l'Histoire et de la société française.

Nous sommes en 2036. Un accident nucléaire a rendu l'air irrespirable et a confiné de fait la population française. Samuel y était préparé et avait aménagé sa cave à cet effet. Il écrit pour tromper les heures longues. La centrale responsable de cette catastrophe n'est pas n'importe laquelle pour lui. C'est celle de Malville, là où son père a travaillé toute sa carrière, là où il a grandi. En trois temps, il revient sur la vie autour de ce lieu singulier, celui qui, déjà, divise les Français, pour ou contre le nucléaire. Son père ne disait rien de son travail. Pour Sam, cette centrale que son père avait surnommée Astrid, comme pour la rendre plus humaine, était enrobée de mystères. Il ne mesurait pas non plus le caractère dangereux et nocif de ce boulot pas comme les autres. Au lycée, il fera la rencontre de Tom et d'Astrid qui incarnent l'opposition écologique et politique à celle qui serait responsable de tous les maux. Mais au-delà des idéaux et de l'éthique, il y a des hommes, un territoire. Des vies entières dépendent de ce travail et c'est cette réalité que dépeint avec justesse l'auteur. Qui se soucie de ces vies de labeur ? Peut-on blâmer celui qui travaille sans en avoir vraiment le choix, dans un lieu dangereux et au péril de sa santé ? La colère est partout et ne s'abat pas toujours sur les vrais responsables. Et cette colère sourde est le terreau favorable des idées politiques les plus sombres. Déjà le Front national perce dans ces territoires délaissés. Sans pour autant écrire un livre engagé, Emmanuel Ruben dénonce pertinemment les mécaniques politiques et sociales qui touchent la France en plein cœur. L'air de rien, cette rétrospective associée à une légère projection (nous sommes en 2036) nous interroge et nous invite aussi à prendre du recul, de la mesure et nos responsabilités.

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