Beaux livres

Magnum manifeste

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photo libraire

Chronique de Claudine Courtais

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Pour célébrer les 70 ans de l’agence Magnum Photo, les éditions Actes Sud ont édité un imposant livre de photographies. Loin d’être un énième pensum sur la plus prestigieuse agence mondiale, il adopte une approche novatrice pour nous faire prendre conscience de l’importance de cette association de photographes.

C’est en 1947, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, que cinq photographes, dont certains vont marquer à jamais l’histoire de la photographie, s’associent pour créer la première coopérative photographique. Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, George Rodger, William Vandivert et David Seymour souhaitent à travers cette structure permettre aux photographes de garder un contrôle total sur les droits de leurs images et par conséquent d’agir en toute indépendance en se trouvant ainsi libérés des contraintes commerciales régissant jusqu’alors la profession. Cette forme de structure va permettre à tous les photographes qui rejoindront l’agence de développer un travail personnel parallèlement à un travail plus en phase avec l’actualité. Clément Chéroux et Clara Bouveresse, les auteurs de cet ouvrage, ont souhaité montrer cette particularité en découpant le livre en trois grands chapitres. Le premier, intitulé « L’utopie universaliste », couvre les années 1947 à 1968, où dans l’élan de l’après-guerre et de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, les photographes vont s’attacher à montrer tous ces idéaux naissants dans leur universalité. On y retrouve aussi bien les photographies de famille d’Elliott Erwitt, que le projet collectif sur la Génération X, où le reportage de Paul Fusco sur le Train funéraire de Robert Francis Kennedy. C’est un travail collectif emmené par Charles Harbutt, intitulé America in Crisis, et traitant de la fin du rêve américain, qui fait la transition vers le deuxième chapitre de l’ouvrage : « L’inventaire des différences ». Pendant ces deux décennies, de 1969 à 1989, ce ne sont plus les ressemblances entre les êtres humains, dans une recherche de l’universalisme, que les photographes vont nous montrer, mais leurs dissemblances, en s’attachant à ceux qui vivent en marge de la société. Pour cela ils vont réaliser de vrais travaux d’auteurs souvent couronnés par des publications. On retrouve dans ces pages les Gitans de Koudelka, les boat-people de Philip Jones Griffiths, les aliénés de l’hôpital San Clemente photographiés par Raymond Depardon ou, plus surprenant, le sénateur Fred Harris faisant campagne dans le métro de Boston sous l’œil photographique de Richard Kalvar. 1990 marque le début de l’effondrement du communisme, ce sont « Des histoires de fin » qui vont illustrer ce troisième chapitre se déroulant jusqu’à nos jours. On y trouvera aussi bien des portraits de Thomas Dworzak commentant la chute du régime taliban en Afghanistan, qu’un travail de Mikhael Subotzky autour de la tour de Ponte City à Johannesburg montrant la fin de la ségrégation, que les très récentes photographies d’Alessandra Sanguinetti prises après l’attentat terroriste de Nice. Mais le livre ne s’arrête pas là. Un riche épilogue, dans lequel on retrouve des paroles de photographes venant définir ce qu’est pour eux Magnum, de nombreuses correspondances illustrant la vie de l’agence et une chronologie de son histoire viennent clore cette fabuleuse histoire photographique.