Littérature étrangère

Andrew O'Hagan

Les Éphémères

✒ Alexandra Villon

(Librairie La Madeleine, Lyon)

Le nouveau roman de l’auteur écossais Andrew O’Hagan, Les Éphémères, fait l’effet d’un bain de jouvence en nous faisant partager, sur deux époques distinctes, la vie d’une bande de potes, peignant avec humour et tendresse l’ivresse d’une jeunesse éclatante et la force d’une amitié à la saveur d’éternité.

Tout commence dans un petit quartier ouvrier de Glasgow en 1986. Ils ont entre 18 et 20 ans, viennent de terminer le lycée et rêvent de fête et d’ailleurs, au rythme d’une musique punk rock toujours plus vibrante et entraînante, prolongement sonore de leur appétit mordant pour la vie, de leur gouaille et de leur esprit contestataire. Ils sont passionnés de foot, de poésie, de cinéma et de musique. Il y a le jeune Jimmy, surnommé Noodles, notre narrateur, épris de poésie et de littérature, qui s’est trouvé une famille en la personne du pétulant Tully, son meilleur ami, jeune homme plein de fureur de vivre. Et puis il y a les autres : Limbo, la tête brûlée de la bande, Tibbs ou encore le taiseux David Hogg. Alors que Margaret Thatcher, en bonne Dame de Fer, étend sa politique de durcissement à travers tout le Royaume-Uni, la scène punk rock explose littéralement avec, pour terrain de jeu privilégié, les bars et ruelles de Manchester, là où cette bande de trublions va se rendre, le temps d’un week-end, pour assister à un grand Festival rassemblant une grande partie de leurs groupes favoris. Ils adorent le punk, vomissent la pop, les bourgeois et cette Margaret Thatcher qui a le culot de faire fermer les bars à 15h, absurdité doublée d’une insulte faite à leur jeunesse. Eux voient grand, ont un petit quelque chose de rimbaldien ‒ mais comme s’ils avaient troqué la rudesse de l’absinthe pour la bonhommie de grandes pintes de cidre. Ils sont drôles, effrontés et l’amitié a la saveur pour eux de l’éternité parce qu’« il y a des choses qu’on sait à 18 ans et qu’on ne saura plus jamais ». Tully, Jimmy et les autres, ces âmes lumineuses et « éphémères » vont pourtant vieillir. Nous les retrouverons dans la deuxième partie du roman, trente ans plus tard, en 2017. Certains s’en sont allés, d’autres se sont perdus de vue et la maladie, celle qui ne laisse aucune issue possible, s’est installée chez l’un d’entre eux, rappelant à tous que l’amitié a son rôle à jouer dans l’allégresse mais aussi dans l’adversité. Avec ce roman bourré d’humour et plein de vitalité et d’effervescence, empreint d’une belle nostalgie joyeuse et traversé de références multiples à la culture populaire musicale et littéraire de l’époque, Andrew O’Hagan parvient à aborder des thèmes difficiles avec un panache et une fraîcheur absolue. Voilà un grand roman sur la jeunesse et l’amitié, simple, intense et vrai, qui vous fera sourire et tout autant pleurer. « Et que la mort soit fière de nous prendre. »

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