Littérature étrangère

Jens Christian Grøndahl

Les Complémentaires

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photo libraire

Chronique de Wilfrid Sejeau

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GrØndahl est un écrivain qui sait parler du couple, du ressort du désir ou de la séparation, de l’archéologie des souvenirs. Il signe un beau texte où affleurent les forces qui s’agitent sous la surface.

David et Emma sont mariés depuis vingt-cinq ans. Ils ont une fille, Zoë, et mènent une existence paisible dans un quartier chic de la banlieue de Copenhague. David est avocat d’affaires, ce qui le conduit à effectuer de nombreux voyages à l’étranger. Issu d’une famille juive, il est athée et, obsédé par cet héritage, paraît vouloir à toute force s’en éloigner. Sa femme passe le plus clair de son temps dans une grande serre aménagée en atelier d’artiste, attenante à leur maison. Elle a quitté l’Angleterre, ses origines, sa famille – réduite à sa seule mère –, pour venir vivre avec David. Elle peint, crée, puis se désintéresse de ses œuvres, ne cherchant apparemment ni la gloire, ni la consécration, et ne montrant aucun désir d’être exposée. Elle a été initiée à la peinture par son père, artiste amateur et peintre raté. C’est la distance d’Emma, sa raideur, ce sentiment qu’elle donne d’être perpétuellement absente aux choses du monde qui a plu à David et qui alimente toujours son désir et son admiration. Sa femme n’a rien de vulgaire, se plaît-il à penser. Leur fille est étudiante aux Beaux-Arts et prépare sa première exposition quand débute le roman. Elle semble avoir brisé les complexes qui figeaient sa mère et son grand-père. L’histoire racontée ici ne se déroule que le temps de quelques jours, mais, à travers les pensées et les réminiscences des personnages, l’auteur balaie les éléments les plus saillants de leur vie : les souvenirs plus ou moins douloureux, les parents, les secrets de famille, le rapport difficile avec les origines, l’histoire d’amour qui a précédé la rencontre avec celui ou celle qui est désormais le compagnon ou la compagne de ses jours… Emma et David vivent chacun leur déracinement. Mais lorsque l’avocat juif découvre un matin une croix gammée peinte sur sa boîte à lettre, il perd pied.