Littérature étrangère

Jarred McGinnis

Le Lâche

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Chronique de Élodie Bonnafoux

Librairie Arcanes (Châteauroux)

Jarred McGinnis débarque dans notre paysage littéraire avec un premier roman décapant et hyper attachant, réussissant le tour de force de parler de handicap sans faire de son livre un manifeste.

Quand le roman s'ouvre, Jarred a 26 ans et il est en train de se réveiller à l'hôpital : il a eu un grave accident de la route, sa passagère est morte et ses jambes à lui ne fonctionnent plus. Passé ce premier choc, on partage avec lui les premières semaines de cette nouvelle vie de paraplégique, encore à l'hôpital, avec ses difficultés physiques, techniques et morales évidemment. Et puis vient le jour où on lui fait gentiment comprendre qu'il est temps de partir. Il n'a alors d'autre choix que d'appeler son père qu'il n'a pas vu depuis dix ans. On ne comprend pas tout de suite ce qui pourrait expliquer ces dix années de silence total : Jarred n'est manifestement pas un mauvais bougre et son père l'accueille à bras ouverts sans lui faire le moindre reproche. Qui plus est, ce père et ce fils s'aiment : il existe entre eux une connivence qui relève de l'évidence et, surtout, pour notre plus grand plaisir de lecteurs, ils partagent un redoutable sens de l'humour noir et de la répartie cinglante. Mais, petit à petit, entre les souvenirs de Jarred qui refont surface au gré des discussions, des événements ou des objets croisés dans la maison paternelle, et grâce aux autres personnages qu'on rencontre au fil du texte, on comprend qu'il y a certes une forte affinité entre eux, mais aussi le souvenir douloureux de la mort de la mère de Jarred. Face à cet événement aussi difficile qu'inattendu, le jeune garçon n'avait alors trouvé aucun réconfort auprès de ce père qui avait quant à lui sombré dans l'alcoolisme. Demeure donc en lui cette colère adolescente avec laquelle il a dû se construire et avec laquelle ils vont maintenant devoir apprendre à négocier. C'est l'histoire d'un père et d'un fils qui vont se réapprivoiser et se pardonner, entre vannes décapantes et petits plaisirs simples.