Littérature française

Sébastien Spitzer

La Fièvre

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Chronique de Delphine Demoures

Librairie des Halles (Niort)

Après avoir plongé le lecteur dans les bas-fonds de Londres avec Le Cœur battant du monde (Albin Michel), Sébastien Spitzer nous embarque avec brio à Memphis dans les années 1870 et son épidémie de fièvre jaune.

La Fièvre est un roman captivant qui s'inscrit dans une réalité historique. En 1878, à Memphis, la fièvre a tué un tiers de la ville en quelques mois. Un homme, tout juste arrivé en ville, s’effondre au milieu de la rue. Il meurt, sa langue est noire. Il est le cas zéro. La première victime de cette maladie contagieuse et mortelle. « La maladie est là. C'est certain. Elle est entrée en ville et porte plusieurs noms. Pour l'heure, tout ce qu'on sait, c'est que le péril est là, qu'il est très contagieux et qu'il va faire des morts. Memphis doit savoir. Le journal est sorti à 10 heures du matin. À peine une heure plus tard, toute la ville s'agitait. Ce qui n'était qu'une rumeur, une crainte, était bien confirmé, étayé avec des chiffres et des exemples, développés sur toute la première page du “Memphis Daily”. » Keathing tient le journal local. Raciste, proche du Ku Klux Klan, c’est un vrai type du Sud qui ne digère pas la victoire des Yankees et l’affranchissement des noirs. Anne Cook tient la maison close la plus luxueuse de la ville. Quant à Raphael T. Brown, c'est un ancien esclave, qui se bat depuis des années pour que ses habitants reconnaissent son statut d’homme libre. Il y aussi Emmy, 13 ans qui se fait une joie de rencontrer enfin son père après des années d'attente. La Fièvre va bouleverser leur vie à toutes et tous. La ville se vide puis le silence s’installe. Les derniers habitants, impuissants, assistent à l’impensable mais les noirs semblent immunisés contre le mal qui décime les blancs. Sébastien Spitzer déploie son récit avec aisance et adresse. Son écriture, romanesque et puissante, interroge l'âme humaine, sa force et ses noirceurs. Il dépeint une fresque historique passionnante, une lecture qui résonne intensément après notre expérience de confinement. Saisissant !

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