Littérature française

Loïc Merle

Seul, invaincu

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photo libraire

Chronique de Olivier Badoy

Librairie des Cordeliers (Romans-sur-Isère)

L’Esprit de l’ivresse, son premier roman (Actes Sud), avait marqué les esprits tant il était maîtrisé et abouti. Loïc Merle se savait attendu. Avec Seul, invaincu, il confirme son talent. Exaltant !

Jeune militaire, Charles n’a pas d’autre choix que de quitter son poste en plein désert, laisser sa tente et ses nuits de solitude. Il doit se rendre au chevet de Kerim son ami, son mentor, ne serait-ce que pour honorer leurs souvenirs partagés dans la petite ville de C., et replonger dans le « paysage poisseux de son enfance ». Pour Charles, c’est le retour sur lui-même, sur le désamour d’une mère au regard vide comme cette ville où les repères s’effritent au fur et à mesure qu’on les cherche. C’est le début d’une errance où l’amour se monnaie, où les souvenirs de la guerre paraissent plus doux que le quotidien. Il n’y aura qu’un dealer à la rhétorique commerciale implacable, ancien militaire, qui sera en mesure d’offrir à Charles un peu d’amour, d’alcool et de désert. Entre les visites à son ami malade, qui attend la moelle de son abruti de frère, et les moments passés en compagnie de Lily qui cherche à s’affranchir de son mac, le jeune homme joue à vivre sans conséquence. Très vite, il comprendra que le retour n’est plus possible, tant le gouffre est profond. Déserteur, avec Lily sous sa protection, il devra fuir. Mais Kerim est un aimant si puissant qu’il sera le seul à pouvoir lui venir en aide. Même moribond, il demeure tout-puissant. Charles et Lily se cacheront dans l’ermitage perché sur la montagne, que Kerim restaure depuis des mois pour y accueillir « dégénérés et éclopés », poètes, artistes, bûcherons, ingénieurs au chômage et parents, tous suspendus aux bulletins de santé de leur geôlier protecteur. Mais l’étau se resserre. Dans cet imbroglio de solitudes, tout semble pourtant ne faire qu’un, comme un tout incandescent au cœur d’un nœud de phrases toutes plus vivantes les unes que les autres. Car la lumière vient du texte.