Reportages

Joe Sacco s’interroge sur la légitimité de la bande dessinée dans le domaine journalistique, conscient que l’approche du dessinateur est nécessairement subjective. En livrant un ouvrage imposant et des témoignages « chocs », l’auteur apporte une réponse marquante et significative. Sont ici rassemblés six des reportages que l’auteur a réalisés pour la presse internationale à la Haye, en Palestine, en Irak, au Caucase, à Malte et en Inde. La force de ce travail émane de la position de témoin prise par l’auteur, au centre du récit, de ce qu’il a pu vivre et constater sur place. Le lecteur est ainsi immergé, voire impliqué, dans le contexte et confronté aux témoignages saisissants recueillis auprès des différents acteurs du drame. Nous pouvons ainsi mieux percevoir la vision d’un criminel de guerre, de soldats américains ou israéliens, de réfugiés de guerre tchétchènes ou de Palestiniens. L’auteur souligne les injustices constatées, insistant notamment sur les terribles conditions de vie des populations civiles. Il décrit en détail le quotidien des Palestiniens à Hébron, Gaza et Rafah, les restrictions multiples auxquelles ils font face, les tirs de Tsahal ou ceux des colons, les campagnes de démolitions engagées par l’armée israélienne. Sacco s’engage et traite l’information sans concessions. En revenant à Malte, sa terre natale, il constate avec regret les réactions relativement hostiles de la population locale face à l’arrivée massive de migrants africains. Les témoignages des habitants comme des migrants soulignent, là encore, son besoin d’objectivité et son sérieux. Même si l’auteur affirme s’attacher à « ceux qui ont rarement l’occasion d’être entendus », il parvient à exposer les différents points de vue, mettant ainsi en exergue la complexité et l’ambiguïté des situations en ces zones sensibles. Ainsi, les rapports de force, les abus, les violences, les peurs et les craintes apparaissent d’eux-mêmes. La vérité éclate. Sacco apporte un éclairage nouveau sur ces événements largement médiatisés quand ils se trouvent au cœur de l’actualité, puis souvent relégués au second rang au gré des soubresauts du monde. Il aborde le sujet sous plusieurs angles, afin de mieux saisir la détresse des populations. En devenant leur porte-parole, il leur rend ainsi un peu justice. Ces reportages mènent à un triste constat, dont l’auteur espère qu’il peut contribuer à maintenir les consciences éveillées. Par la qualité de son travail et en donnant la parole à chacun, Sacco accomplit ici un acte de citoyen du monde.