Polar

Jo Nesbø

Police

PB

✒ Pascale Bragard

(Librairie Anagramme, Sèvres)

Dans son nouveau roman, Hugo Boris explore les sentiments chaotiques que peuvent éprouver des fonctionnaires de police quand ceux-ci s’écartent des ordres de la hiérarchie. Un roman intimiste qui se penche sur la liberté réprimée de ces femmes et hommes de l’ordre.

Il suffit d’une nuit. Une nuit pour remettre en question son travail. Remettre en question sa carrière, sa vocation. Virginie, jeune mère de famille et gardienne de la paix, se retrouve coincée face à ses doutes dans la voiture de police qui sillonne l’est parisien. Mutique et perdue dans ses pensées, elle essaie tant bien que mal de feindre l’indifférence face aux pics haineux lancés par son collègue Erik, sous les yeux de leur supérieur Aristide. Erik sait bien où lui faire mal, aiguillonné par la rancœur qu’il éprouve à son encontre. Les deux se sont aimés naguère. Virginie avait délaissé les bras de son mari pour ceux d’Erik, le rigolo du commissariat, le collègue macho et un peu beauf, le fier de la bande. Mais dans cette voiture, Virginie se sent seule. Son équipe doit reconduire à la frontière un jeune migrant fuyant son pays d’origine, le Tadjikistan. Intriguée par son profil, elle finit par ouvrir le dossier sous scellé de la demande d’asile qui lui a été refusée. Virginie y décèle des failles grossières et se rend compte que son équipe s’apprête à envoyer le jeune homme vers une mort certaine. Alors la question se pose. Faut-il se plier aux ordres ? C’est par les pensées nocturnes de Virginie que le lecteur entre dans la voiture de police. Des pensées rythmées par le style saccadé et incisif de l’écriture. Dans ce roman, les mots et les formules s’enchaînent et se déchaînent pour délivrer les personnages de leurs menottes. Les délivrer des ordres de la hiérarchie. Police est un huis clos qui emporte le lecteur dans les dilemmes d’une vie et d’une profession le temps d’une nuit. Un dilemme car celui qui faillit aux ordres est banni de la grande famille policière où règne la suprématie des circulaires. Le lecteur se fond dans le regard de l’écrivain et devient le témoin des vies de ses personnages. Pour mieux cerner cet univers, l’auteur a suivi une équipe de policiers pendant plusieurs mois. Habitué à produire des documentaires, il comprend l’importance d’écouter et de regarder ses sujets pour dévoiler leurs faiblesses. Car Hugo Boris ne considère pas les policiers comme un tout sans odeur, ni couleur. Ses personnages sont au contraire tiraillés et se perdent parfois.

Les autres chroniques du libraire