Littérature étrangère

Ian McEwan

Opération Sweet Tooth

AG

✒ Agathe Guillaume

(Librairie De beaux lendemains, Bagnolet)

L’excellent auteur britannique Ian McEwan publie un roman d’espionnage sur fond de guerre froide, qui se révèle finalement un roman d’amour et une ode à la littérature. Opération Sweet Tooth, qui diffère de ses précédents romans, prouve que l’auteur maîtrise tous les registres.

Fille d’un évêque, Serena Frome est inscrite à Cambridge où elle étudie les mathématiques, discipline à laquelle elle s’intéresse peu. Elle est en revanche une lectrice passionnée –McEwan parsème son récit de nombreuses références littéraires – qui a une révélation pour l’œuvre de Soljenitsyne. Elle se consacre ainsi à l’écriture de chroniques pour un hebdomadaire étudiant et dénonce les dérives du système communiste. Son sérieux lui sera reproché. Elle connaît ensuite une brève liaison, très passionnelle, qui va changer le cours de sa vie. Tony Canning est un professeur de l’université qui l’éveille à l’Histoire et à la politique, et qui lance sa carrière… au sein du MI5, le service de renseignements chargé de la sécurité intérieure et du contre-espionnage, où elle devient un agent très spécial. Au cœur de cette époque si singulière des années 1970, le rôle de Serena dans l’opération « Sweet Tooth » est étonnant. Celle-ci est chargée de recruter un écrivain, Tom Haley, et de lui offrir une allocation pour lui permettre d’écrire. L’objectif inavoué des Anglais est « d’impressionner les Américains » en constituant un petit groupe d’auteurs dont la mission consisterait à dénigrer l’idéologie communiste. Cette délicate opération de propagande doit évidemment demeurer secrète. Serena et Tom tombent bientôt sous le charme l’un de l’autre… et se retrouvent mêlés à une affaire d’État. Opération Sweet Tooth est sûrement le roman le plus autobiographique de Ian McEwan, dont on reconnaîtra certains des traits dans le personnage de Tom Haley. C’est aussi le moins noir, le plus divertissant. Sur un ton léger et souvent humoristique, McEwan ne cesse de jouer avec les nerfs du lecteur en le perdant dans les arabesques d’un roman qui prend un malin plaisir à empiler les histoires à l’intérieur de l’histoire, par le biais des écrits de Tom Haley. On découvre ainsi quatre nouvelles et un roman (pouvant rappeler les œuvres de McEwan), de jolis textes fantaisistes sur les désarrois de l’amour. Cette écriture foisonnante et pleine de détails cache aussi des allusions à des personnalités réelles. La dernière œuvre de l’écrivain britannique offre de beaux portraits de personnages, mais aussi matière à réflexion. Les thèmes de la trahison, du mensonge et de la frontière entre réel et imaginaire sont ainsi soulevés, tandis que les multiples renvois à des œuvres littéraires provoquent d’autres envies de lecture. On lira donc à la fois un roman d’espionnage, un roman d’amour et une ode à la littérature.

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