Littérature étrangère

Russell Banks

Oh, Canada

  • Russell Banks
    Traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre Furlan
    Actes Sud
    07/09/2022
    328 p., 23 €
  • Chronique de Marion Libouban
    Librairie du Contretemps (Bègles)
  • Lu & conseillé par
    16 libraire(s)
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Chronique de Marion Libouban

Librairie du Contretemps (Bègles)

Après des années d'absence, c'est le grand retour d'un monstre de la littérature. Russell Banks, 82 ans, continue son exploration de l'âme humaine et de celle des États-Unis.

Le grand conteur Russell Banks offre à cette rentrée littéraire un roman exigeant et imposant. Dans ce dernier, Leonard Fife, célèbre documentariste américain vivant au Canada depuis la fin des années 1960, livre, alors qu’il se sait condamné par la maladie, un entretien filmé par un de ses comparses. À ce dernier assistent l’équipe de tournage, son infirmière et surtout sa femme à qui il impose de ne quitter la pièce sous aucun prétexte. Le salon qui sert de confessionnal est plongé dans le noir, seule une lumière éclaire l’orateur. Ce décor implique aussitôt le lecteur en le mettant en position de spectateur, sinon d’auditeur, se trouvant aspiré dans la pièce avec les personnages. Alors que le protagoniste est attendu sur des questions précises concernant son engagement politique et sa vie de cinéaste, il va tenir un tout autre discours, d’anecdotes en digressions, dans lequel il va raconter sa vie par tous les bouts. On apprend très vite que cette confession est pour Fife l’ultime chance de dire toute la vérité sur son histoire, notamment sur la part d’histoire concernant laquelle il a menti toute sa vie depuis son arrivée au Canada. Le texte agace parfois, joue des répétitions, insiste, boude mais c’est pour mieux retranscrire l’ambiance de ce tournage qui n’en finit plus. Les personnages, comme le lecteur, veulent savoir où ce vieil homme veut en venir et leurs voix s’entremêlent à celle de Fife qui nous balade d’espace en espace, d’époque en époque sans transition apparente. Pourtant, tout prendra finalement sens. Si ce texte dit la construction et l’éclatement d’un mythe en interrogeant l’art de la fiction, il est plus que jamais le roman de la chute d’un géant, homme adulé mais simple mortel faisant face une dernière fois à ses propres contradictions. Superbe !