Littérature française

Sandrine Collette

Madelaine avant l'aube

RV

✒ Roméo Van Mastrigt

(Librairie Au vent des mots, Lorient)

Après le magistral On était des loups, Sandrine Collette dresse le portrait de Madelaine, une jeune fille sauvage terriblement attachante, et donne à voir la réalité d’un monde paysan impitoyable. À nouveau, l’autrice sait étonner son lecteur et prend un malin plaisir à se jouer de lui.

C’est un minuscule hameau, quelques maisons à peine. Les hivers y sont rudes et les étés nourriciers. On y vit des récoltes mais pas des bêtes de la forêt, chasse gardée du seigneur local. On y naît pauvre et on y meurt de la même façon. C’est l’histoire de deux sœurs jumelles, absolument fusionnelles. La première a plusieurs enfants quand l’autre tente désespérément de construire une famille. Alors, quand arrive Madelaine, jeune fille sauvage abandonnée, c’est comme un prodige, un don du ciel. La jeune fille fera partie de la famille, c’est un signe du destin. Madelaine grandit aux côtés de ses frères de cœur mais peine à réfréner ses accès de colère, cette lave bouillonnante qui chauffe son sang et ses humeurs. Madelaine est incandescente, passionnée, courageuse, effrontée. Madelaine n’a peur de rien. Mais cette fureur qui habite son cœur n’est pas adaptée aux lois des plus forts, des seigneurs, des propriétaires. Le moindre affront sera lourd de conséquences. Sandrine Collette pouvait-elle faire mieux après On était des loups ? Ce nouveau roman n’est pas si différent du précédent livre qui mettait sur les routes un père et son fils dans une forêt hostile, autant par ses dangers naturels que par les hommes qui l’habitaient. Madelaine avant l’aube creuse encore un peu plus la thématique de la nature impitoyable. Rarement un auteur ne vous donnera si faim, si froid et vous fera sentir à l’intérieur la morsure de la bise glaciale qui vous mord les chairs. À cause du manque de nourriture, les ventres grondent furieusement et les corps crient famine. Ce livre est une épreuve physique. Morale également quand la loi des puissants vient abattre son courroux. Le seigneur du hameau, qui chasse autant les bêtes que les femmes, est une menace omniprésente et son agressivité fait trembler. Mais là où le lecteur retrouvera l’excellence de Sandrine Collette, c’est dans son talent à le mener en bateau. Les lecteurs d’On était des loups resteront marqués par la scène du lac. À la moitié de son récit, l’autrice surprend son lecteur grâce à une remarquable pirouette narrative dont il faut saluer l’audace. Un moment de répit rassérénant au cœur de cette fable noire, cruelle et viscérale où surnagent la fougue d’une jeune fille, l’amour d’une mère et une ode à la famille.

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