Humanité

Rutger Bregman peut passer pour un éternel rêveur : défenseur aux Pays-Bas du revenu universel pour tous et de la semaine de travail à 15h, auteur du très remarqué Utopies réalistes (Seuil et Points) au titre évocateur, il s’illustre depuis des années à penser un monde meilleur malgré ses détracteurs. Difficile cependant, en lisant le titre de son nouvel essai au Seuil, Humanité, Une histoire optimiste de ne pas soupirer cyniquement. Comment ? L’être humain, l’inventeur de la bombe nucléaire et des camps de la mort serait en fait un être bon ? Et notre Histoire, de notre apparition à nos jours, pourrait pencher en ce sens ? C’est assez naturellement que l’on peut avoir de pareilles pensées face à un ouvrage dont le titre peut paraître au premier abord naïf. Et puis on ouvre ce livre. On commence sa lecture, puis on le dévore, médusé. Ligne après ligne, page après page, on reconsidère notre Histoire et même notre nature. Cet essai convoque et fait s’affronter deux penseurs qui, encore aujourd’hui, ont une influence déterminante sur notre vision de l’homme et de la société : Hobbes et Rousseau. L’un dit « réaliste », l’autre dit « idéaliste ». L’un pensant que l’Homme est fondamentalement mauvais et que c’est la société qui l’élève, l’autre qu’il est fondamentalement bon et que c’est la société qui l’avilit. De là, s’ensuit une formidable enquête qui utilise l’Histoire, la biologie, les neurosciences, l’anthropologie et même la littérature pour déterminer qui de ces deux philosophes aurait vu juste. Cet essai ambitieux a le pouvoir de faire naître l’espoir chez les plus cyniques. Il fait partie de ces livres qui changent votre vision du monde à jamais, que vous relisez au fil des années pour y retrouver une information, une idée ou même pour vous y ressourcer, quand le monde part à vau-l’eau. Tout en étant sérieux et érudit, c’est un essai qui fait du bien et c’est cela qui rend sa lecture indispensable.