Polar

Frantz Delplanque

Du son sur les murs

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photo libraire

Chronique de Olatz Mundaka

Pigiste ()

Un premier roman parfaitement maîtrisé par un auteur qui, dès son coup d’essai, semble jouer de tous les procédés et bons tours des vieux briscards du noir, mais avec l’enthousiasme et la fraîcheur des débuts.

On n’échappe pas totalement aux fantômes du passé, on ne cesse jamais complètement d’être celui que l’on a été… et c’est finalement la meilleure des assurances-vie dans un monde de brutes, de truands et de vieilles sadiques ! Voilà une des morales possibles (mais pas la seule) sur laquelle pourrait se clore cette fantaisie criminelle. Laquelle fantaisie s’ouvre sur le départ en retraite, après trente-deux exécutions, du tueur professionnel Jon Ayaramandi. Retraite heureuse à Largos, petite ville du Sud-Ouest baignée de lumière et d’odeurs océanes, peuplée de lectures et d’huîtres avalées au rythme de disques de rock et de soul, rendue douce par la présence de Perle et de la petite Luna devenues comme une famille pour celui qui n’en avait jamais eu. Retraite interrompue au bout de quelques pages par l’apparition, au PMU du coin, de Burger, ancien collègue et, très mauvais présage, par la disparition d’Al, pêcheur boiteux et taciturne dont Perle est tombée amoureuse… Voilà notre héros – pour Perle et Luna bien sûr, mais aussi pour Louise, jolie quadragénaire venue ranimer une libido en berne – obligé de se lancer bien malgré lui sur le sentier de la guerre, un sentier qu’il sait par avance couvert d’embûches et de cadavres. Il n’est bien sûr pas question ici de dévoiler la suite, mais plutôt de saluer l’étonnante maturité avec laquelle Frantz Delplanque s’est, dès son premier livre, arrangé des clichés et figures imposées du roman noir : si les types traditionnels sont bien là – le vieux professionnel revenu de tout, les gueules patibulaires, les mafieux et poivrots, les figures féminines émouvantes de courage… –, l’auteur a su donner à ces héros ce petit supplément d’être qui les rend attachants, les arrachant aux mornes conventions du genre. Surtout, il y a le ton, juste et direct, qui étonne venant d’un jeune auteur, le ton qu’il faut, sans surplus d’affectation ni de timidité, ce style qui fait que l’on dévore un livre d’une traite.