Polar

Benoît Philippon

Cabossé

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photo libraire

Chronique de Hugo Latreille

Librairie Nouvelle (Asnières-sur-Seine)

Déjà lauréat du prix Transfuge du meilleur espoir polar, Benoît Philippon détonne en faisant claquer une langue gouailleuse et jouissive. Il dessine avec Cabossé, son premier roman, un sourire espiègle sur une bouche en sang.

Ils ont eu une vie de chiens battus. D’un côté, Raymond, de Clermont-Ferrand, dit Roy, et sa tronche de « tomate écrasée aux rangers taille 46 », de l’autre, Guillemette, fluette créature parisienne qui suinte le sex-appeal et aimante les rustres. Quand ces deux-là, que tout oppose, se percutent accidentellement sur un site de rencontre, l’étincelle, fulgurante, va se muer en feu ardant. Cabossé, c’est La Belle et la Bête, mais en plus hard. C’est qu’il ne faut pas le chercher, le Roy, ex-boxeur devenu homme de main de la pègre parisienne qui taille sa route à coups de mandales. En lui se tapit la bête. Il renferme une ultraviolence qui sourd à chaque injustice qu’il croise. Quand, face à l’idylle naissante, un ex de Guillemette, tyrannique à souhait, vient froisser la belle, le voilà en un clin d’œil la tête défoncée. Dans le caniveau. Mort. Alors c’est la fuite en avant, à deux, libres et déchaînés. Nous voilà embarqués dans un road trip parsemé de noirceurs et de rencontres déconcertantes. On passe d’une mamie qui tire plus vite que son ombre tremblante, à Ginette, patronne de relais routier qui regrettera d’avoir servi de la bouffe avariée. À mesure que se déroule cette cavale, laissant derrière son sillage une odeur de terre brûlée, les deux héros apprendront à se dompter, se racontant les indicibles horreurs passées et savourant l’espoir d’un nouveau départ. Rythmé en diable, admirablement ficelé par Benoît Philippon, d’ailleurs réalisateur, Cabossé est un vent frais sur le polar français. Un premier roman sidérant de gouaille et d’une inventivité pleine d’humour. C’est une langue qui claque, virtuose de la répartie, toute en cadence, qui jamais ne sombre dans la caricature de genre. Cabossé, c’est le sourire espiègle d’une bouche en sang et édentée.