Evelyne Zannier

Parlez-nous un peu de votre librairie et de votre équipe.

Evelyne Zannier En 2021, ma sœur et moi avons renoncé à nos jobs respectifs - banquière et enseignante - pour nous lancer dans l'aventure aussi folle qu'excitante de la librairie généraliste. Nous voulions créer une librairie de proximité familiale et indépendante, proche de chez nous, et avons élu domicile dans la petite ville où nous étions scolarisées quand nous étions ados. Aujourd'hui, nous sommes ravies de compter, parmi nos clients, des voisins, de vieux copains de classes mais aussi nos anciens professeurs qui nous ont vu grandir et qui, pour certains, ont largement contribué à nous faire découvrir et aimer les livres.

Quelle est votre mission de libraire préférée ?

E. Z. Ce que je préfère, c'est lorsque je rencontre quelqu'un qui prétend ne pas avoir sa place en librairie et détester lire. Il peut s'agir du mari impatient, qui attend sa femme en ronchonnant entre deux rayons, de l'ouvrier qui a garé sa camionnette devant la vitrine et m'explique comment l'école l'a dégouté des livres à tout jamais, ou du gosse qui traîne dans la rue avec sa canette de soda et nous demande si c'est un magasin d'intello. Parmi eux, parfois, à force de taquineries, de rires et de discussions, certains se laissent convaincre et s'achètent un livre, un seul, juste pour voir. Un second, pour réessayer. Et finissent par devenir des lecteurs réguliers. Ceux-là constituent, et de loin, mon challenge préféré.

Êtes-vous plutôt marque-page ou page pliée ?

E. Z. Au risque de passer pour une hérétique auprès des lecteurs soigneux, je suis définitivement pour la page pliée et pour les livres qui portent les stigmates et le souvenir de leur vécu. Je suis ainsi pour les extraits soulignés au stylo indélébile, pour les cœurs dans la marge, pour les annotations un peu partout, pour le sable coincé entre deux chapitres, pour les pages qui gondolent à cause de l'eau du bain et pour le ticket de caisse retrouvé entre les pages 142 et 143.