Littérature française

Abnousse Shalmani

 Un exil, entre rire et larmes

Entretien par Guillaume Le Douarin

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Abnousse Shalmani nous fait partager son histoire familiale et plus précisément l’époque où elle rejoignit, avec ses parents, une autre partie de sa famille à Paris, au début des années 1980. Les exilés meurent aussi d’amour c’est avant tout le récit d’une famille haute en couleurs avec ses crises, ses amours, ses déchirures et, comme dans toute famille, ses secrets. Les yeux d’une enfant, très jeune, posés sur cet univers familial fascinant et inquiétant, donnent toute sa saveur à cette histoire entraînante.

 

PAGE - J’ai trouvé votre livre étonnant, foisonnant et très entraînant. J’ai apprécié par-dessus tout le regard de Shirin, cette petite fille de huit ans, qui découvre, à la faveur de l’exil, Paris et son nouvel appartement. Quel regard porte cette petite fille, tapie sous le canapé, sur le monde des adultes qui l’entourent ?
Abnousse Shalmani - Je pense que l’exil a beaucoup d’effets secondaires sur les êtres. Son effet principal reste le dévoilement de la vérité. Shirin, avant son départ, mène la vie normale d’une petite fille de son âge, profitant des anniversaires et des jeux avec ses amis. Avec l’exil, tout change et se met en place une sorte de réduction des possibles. Il n’y a plus que l’exil qui compte. Et comme l’espace est réduit, elle se glisse sous le canapé et observe la vie des adultes. Un seul voyage a suffi pour que Shirin découvre le vrai visage de sa famille à l’instar de ses tantes redoutables et dangereuses. Son père est un perdant magnifique et sa mère une véritable magicienne qui transforme le laid en beau. Son père, pour l’occuper, lui confie quelques carnets et lui demande de noter ce qu’elle observe. C’est à cette occasion que Shirin passe du persan au français et du coup « repeint » autrement ce qu’elle voit. Cela lui permet de mettre d’autres mots sur ce qui lui échappe. L’exil aussi peut avoir cet effet-là.

P. - J’ai eu peur en abordant ce livre qu’il ne montre que la dure réalité de l’exil. Mais en me plongeant plus avant dans ce récit, j’ai noté un certain décalage dans le traitement des sujets abordés. Vous utilisez l’humour à plusieurs reprises, ce qui apporte une certaine vivacité au récit. Par exemple, une scène m’a particulièrement frappé : un soir, cette famille décide de regarder Les Valseuses à la télévision. Dites-moi ce que représente ce film pour une famille iranienne en exil ?
A. S. - Je voulais absolument « tirer » cette famille d’exilés hors du drame. Ce parcours était déjà suffisamment pénible, aussi ai-je décidé de mettre un peu de couleur dans tout ça par le biais d’une tragi-comédie. En effet, tout passe mieux en riant et c’est la meilleure arme pour se défendre de la folie et des monstruosités. Donc, pour revenir à votre question, à l’époque, le cinéma français, à contrario de l’italien, était très peu présent en Iran. Aussi le père, pensant offrir une soirée culturelle à sa famille, découvre-t-il avec stupéfaction cette histoire d’une femme qui peine à jouir. La réaction fut, c’est peut-être une tradition familiale, de faire comme si de rien n’était. Il tente malgré tout de donner quelques explications. Ce que va retenir la petite Shirin, c’est l’image d’une France où les femmes sont nues et en voiture. Cette soirée symbolise ô combien le contraire de l’immobilité.

P. - Une chose me semble aussi très importante dans votre roman : c’est sa galerie de personnages. Il y a beaucoup de caractère(s) dans cette famille, dans tous les sens du terme. Un personnage a particulièrement retenu mon attention : Tala. Pouvez-vous nous en parler ?
A. S. - En effet, Tala est une héroïne très importante. Des trois tantes de Shirin, Tala est la plus accessible car la plus proche en âge. Au début du livre, du moins, elle est sublime, passionnée de peinture, certainement la plus sensuelle. Mais au fil de ses engagements politiques, c’est un personnage qui va peu à peu se durcir et finir par s’assécher. Je dis même d’elle qu’elle est devenue un tract politique, elle a perdu toute sa poésie. En parallèle, la narratrice s’aperçoit que le corps de Tala a changé. Il est vrai qu’en Iran le corps des femmes n’existe pas, tout est concentré sur le visage et les sourcils. Sans plaisanter, un des avantages de l’exil est de pouvoir choisir son corps.

P. - Pour revenir une fois encore sur vos personnages, j’ai une tendresse particulière pour Omid. Non seulement il va éveiller la narratrice à la sensualité mais aussi lui faire découvrir la France. Qu’est-ce que ce personnage représente pour vous ?
A. S. - J’avoue que j’en suis aussi tombée amoureuse. Omid est un juif iranien au physique androgyne. C’est l’amoureux de la tante Tala. Il est un personnage définitivement ancré dans la vie. À un moment de l’histoire, il va recueillir Shirin et l’entourer de toute sa bienveillance. Celle-ci va être frappée par sa sincérité et le fait qu’il assume ses sentiments contrairement aux autres hommes du clan. Il lui fait découvrir la France par le petit trou de la serrure et notamment à travers les grandes passions amoureuses de l’Histoire. Tout passe par la chair.

 

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