Avec vos livres, vous laissez transparaître l’image de quelqu’un de joyeux. Comment vous voyez-vous ?
Benjamin Chaud — Je fais tout mon possible pour faire des livres joyeux et transmettre une énergie positive. Mais je me sens partagé entre l’insatisfaction et l’inquiétude : il est difficile d’être satisfait de son travail. C’est aussi ce qui fait que je continue, que j’essaie de faire mieux.
Pomelo a 10 ans cette année… Tout d’abord, comment est-il né et qui l’a créé, vous ou Ramona Badescu ?
B. C. — Ramona est une amie et elle l’était avant qu’on ne commence à travailler ensemble. Un jour, elle m’a raconté son rêve d’un tout petit éléphant avec une grande trompe sous un pissenlit, nous avons commencé à chercher tout ce qui pourrait lui arriver en buvant des cafés, en riant… Pomelo était là. Parlez-nous de votre travail avec Ramona. B. C. — Nous travaillons côte à côte le texte et les dessins. Nous sommes complémentaires et c’est une grande chance. Ramona a le dernier mot sur le texte, mais je propose aussi des idées et j’insiste beaucoup jusqu’à ce qu’elle en accepte quelques-unes ! De son côté, elle a des idées de dessins qui changent, enrichissent ou simplifient l’univers de Pomelo. On rit beaucoup, on marchande, c’est une joyeuse lutte.
Que représente Pomelo pour vous ?
B. C. — Cette aventure pomelesque est une grande chance. Ramona et moi avions d’abord fait ce livre pour nous, en écrivant et dessinant ce qui nous amusait. Nous avons été ravis qu’il soit publié mais nous n’imaginions pas qu’il rencontre un tel succès auprès des enfants – et même des plus grands – et que nous serions toujours en train de continuer ses aventures dix ans plus tard.
Dans Pomelo et la grande aventure, Pomelo a grandi. On le voit évoluer au fur et à mesure des histoires dont il est le héros. Pomelo évolue-t-il avec ses auteurs, avec ses lecteurs, les deux ?
B. C. — C’est très intéressant, et difficile parfois, de ne pas se répéter au fil des pages, pour ne pas s’ennuyer et ne pas ennuyer le lecteur non plus. Pomelo évolue avec nous, avec nos envies, on affine, on complexifie, on ouvre l’univers et Pomelo suit.
Pouvez-vous nous parler de votre manière d’illustrer et de vous approprier un texte ?
B. C. — Chaque histoire a un univers, une ambiance, et ça passe aussi par le style graphique et la couleur. J’essaie de trouver le ton juste pour exprimer les sensations que j’ai envie de restituer, de me surprendre, de trouver des choses que je ne savais pas avoir en moi, de me perdre un peu, de changer.
Quelles sont vos références (ou influences) picturales dans le domaine de l’illustration ?
B. C. — J’en ai beaucoup, presque tout me nourrit. J’adore le travail de Kitty Crowther, d’Helene Riff et de Beatrice Alemagna. Leurs univers sont tellement forts et personnels qu’en lisant leurs livres, on a l’impression d’avoir la chance d’être un ami invité à une fête.
Quand vous êtes à la fois auteur et illustrateur, comme pour Coquillages et petit ours (Hélium), qu’est-ce qui vous vient en premier : les dessins, les mots ?
B. C. — Ce qui me vient en premier c’est une situation, des personnages, une expression puis un gribouillis. Les mots viennent après et il me faut des mois pour comprendre de quoi ça parle, comment trouver un début, une fin, dans quel ordre les mettre, comment, pourquoi… J’ai beaucoup d’idées et, au final, peu d’histoires qui marchent assez bien pour en faire un album.
Que préférez-vous : vous approprier un texte qu’on vous confie, ou écrire et illustrer vos histoires ?
B. C. — Les deux sont intéressants. Écrire mes propres histoires est plus satisfaisant, mais bien plus difficile et impressionnant. Travailler avec Ramona est une troisième chose : cela m’a permis petit à petit d’avoir la confiance d’écrire mes propres histoires.
Il y a de plus en plus d’humains dans vos dessins. Des animaux ou des humains, que préférez-vous dessiner ?
B. C. — J’ai plus de facilité avec les animaux, il y a comme un filtre métaphorique derrière lequel je peux me cacher.
Vous êtes papa depuis quelques mois. Cela a-t-il changé votre façon de travailler ?
B. C. — Absolument. J’ai tout d’abord beaucoup moins de temps et il faut que je sois efficace tout de suite. Ensuite, je ne travaille plus seulement pour moi maintenant que j’ai quelqu’un à qui adresser mes histoires.
Vous êtes-vous inspiré de votre enfant pour illustrer Le Petit Roro ?
B. C. — Le Petit Roro est écrit par Corinne Dreyfuss, qui est une amie, et je l’ai fait pour que mon fils puisse le lire. Alors je me suis inspiré de lui, bien sûr.
Dans Pomelo et la grande aventure, vous avez représenté le Papamelo comme une figure imposante en même temps que rassurante. Dans Une Chanson d’ours et Coquillages et petit ours, on trouve un papa ours grand et fort, qui met tout en œuvre pour retrouver son ourson… Avez-vous à cœur la cause des papas ?
B. C. — Je n’ai pas de message, j’ai fait ce livre (Une chanson d’ours) pour me rassurer. Avoir un bébé, au début, c’était la panique, courir comme un fou, ne jamais se reposer, comme le papa ours du livre, alors qu’en fait tout se passe bien. Avoir un enfant ouvre à un monde nouveau où on ne serait pas allé tout seul (et qui peut être chouette).
Y a-t-il un message que vous souhaitez faire passer à travers vos dessins et vos histoires ?
B. C. — Du calme.
La nouvelle aventure de Pomelo n’est pas encore connue du grand public, que je me pose déjà une question : allez-vous continuer la série avec Ramona ?
B. C. — Je pense que oui. Nous avons déjà un peu commencé à poser des idées dans nos carnets. Il nous reste des choses à dire et à découvrir avec ce petit éléphant.
Quelques mots sur vos projets à venir ?
B. C. — À la rentrée, je commencerai à illustrer pour un éditeur suédois une série de petits romans pour des plus grands. Ce sera en noir et blanc sur un garçon qui rêve d’être un super-héros. J’ai aussi un projet très drôle avec un auteur italien moustachu et un agent américain, des choses que je n’ai jamais faites et qui me sortent un peu de mes habitudes.