On vous entend en musique depuis quelques années et on sent vite que vous aimez le verbe et le mot. Comment êtes-vous passée de la chanson (sur scène) au poème (en livre) ? Bref, comment est né Doux mots dits ?
Clou - J’ai toujours écrit depuis toute petite : je tenais des journaux, j’écrivais des histoires pour mes cousines puis au collège des histoires d’amour pour mes camarades de classe. L’écriture me suit partout depuis le début ! Doux mots dits est né de l’envie de construire un pont entre l’écriture de chansons et l’écriture d’une histoire complète. Ce livre, qui est autobiographique, peut se lire comme une Face B de mon premier album. C’est l’envers du décor, la genèse de beaucoup de chansons et c’est aussi une manière de raconter mon rapport aux mots, aussi central en musique qu’en littérature.
Pouvez-vous nous raconter comment la rencontre s’est faite avec votre éditeur ?
Clou - C’était pendant le premier confinement, j’ai été contactée par Rageot qui appréciait mes chansons et souhaitait me proposer une sorte de « carte blanche » : écrire en vers libres sur le thème de mon choix pour des adolescents. Ensuite, nous nous sommes rencontrées avec les éditrices, en visioconférence (la modernité !), et avons parlé de vive voix. J’ai vite envoyé un premier jet qui était très personnel, avec l’envie de parler du poids des mots et de cette secousse sismique qu’est l’adolescence. Le travail avec Rageot a été extrêmement constructif, il m’a permis de structurer mon propos, de l’élargir. Mes éditrices m’ont beaucoup accompagnée dans l’écriture. Je crois que j’ai grandi aussi un peu avec ce livre.
Dans vos poèmes, on sent les fulgurances de l'âge adolescent, mais aussi pas mal de blessures. La construction du volume en trois parties invite le lecteur à vous accompagner de l'ombre vers la lumière. L'écriture de Doux mots dits a-t-elle été pour vous une sorte de catharsis ?
Clou - L’écriture, comme toutes les formes de représentations d’ailleurs, est un moyen d’apprivoiser le réel, de le comprendre et puis de le dépasser. Pour être claire, c’est une manière de transformer un lourd passé en un beau présent. Prendre la plume est donc, en soi, une catharsis. En cela, je pense que l’écriture libère, oui. Doux mots dits raconte tellement de choses sur mon adolescence qu’il est comme un exercice d’équilibriste entre la pudeur et l’envie d’être le plus sincère possible et donc une catharsis certes, mais pas seulement ! C’est aussi une envie de parler du pouvoir des mots, de leur capacité à blesser pour toujours ou à être source d’espoir et de vie.
Les dessins qui accompagnent vos textes sont tour à tour poignants, tout en légèreté, humoristiques – ici, je pense à la vache de la toile cirée. Avez-vous toujours dessiné ?
Clou - J’ai toujours dessiné dans les marges de mes cahiers et plus tard dans les marges de mes paroles de chanson. C’était assez logique que des dessins se retrouvent dans les marges de mes poèmes. Au début, je ne pensais pas en faire autant et puis je me suis prise au jeu et j’ai trouvé que cela apportait encore une autre dimension à l’histoire. Par exemple, maintenant, vous savez à quoi ressemblait la toile cirée de la salle à manger de mes parents !
Quel est votre rapport à la littérature en général et à la littérature jeunesse en particulier ?
Clou - J’ai un rapport passionnel à la littérature. Les livres sont mes compagnons de vie depuis toujours. Petite, je parlais peu, j’étais murée dans ma solitude et ma timidité, alors je lisais. Il me semblait briller de mille feux à l’intérieur à chaque fois que je tenais un livre entre mes mains. Adolescente, je dévorais Dumas et Pennac. Jane Austen aussi était comme une amie. Aujourd’hui, je lis toujours avec régularité, des romans ou de la poésie, parfois de la philosophie quand le sens de la vie m’échappe un peu.
Petite, rêviez-vous d'être publiée ?
Clou - Mon premier grand rêve était d’être romancière. Je voulais raconter des histoires de pirates et faire la synthèse entre Roald Dahl et Jack London avec des héroïnes féminines effrontées. Imaginez Jane Eyre avec une jambe de bois qui combat des monstres fantastiques ! Plus tard, j’ai écrit des romans très niais sur l’amour et les relations familiales, un roman policier ultra violent aussi. J’ai même écrit une « fan fiction » (à l’époque je ne savais pas que l’on appelait cela comme ça) de Belle du Seigneur après ma première déception amoureuse. Être publiée était plus qu’un rêve, c’était une quête. Mais cela n’a jamais été un moteur. Publiée ou non, j’écris et j’écrirai toujours.
La publication de ce premier livre vous donne-t-elle envie de recommencer ? Peut-être avez-vous des projets en cours ?
Clou - La publication de ce premier livre me donne des ailes, dans ma tête du moins. Alors oui j’ai très envie de continuer. J’ai des romans en friche dans mon ordinateur : un roman autobiographique (plus âpre que Doux mots dits) et un roman d’aventure pour enfant, sur lequel je travaille depuis dix ans et que je ne parviens pas à finir. Ma priorité reste la musique, je suis en pleine écriture de mon deuxième album.
À propos du livre
Doux mots dits est un livre illustré écrit en vers dans lequel Clou nous livre en toute sincérité et émotion son adolescence. Elle nous raconte sa vie de jeune fille qui dessine et qui s’essaie à l’écriture de textes de chansons, qui écoute de la musique et se heurte souvent à son père. Clou alterne anecdotes légères et plus graves : on sourit aux vaches de la toile cirée de la cuisine et on frémit dans le bus 96 quand un homme s’approche bien trop près d’elle. Clou se livre tout en pudeur, on tourne les pages sans s’en rendre compte. Doux mots dits est un ouvrage très émouvant !
