Vous souvenez-vous de la famille Pelletier ? Dans Le Grand Monde, nous l'avions quittée en 1948 à Beyrouth. Louis, le père, est à la tête d'une grande savonnerie. Il rêvait de léguer son entreprise à ses enfants mais, hélas, leur ambition n'était pas de prendre la suite. François est devenu journaliste. Jean (dit « Bouboule ») est un pauvre garçon introverti et mal dans sa peau, mené à la baguette par Geneviève, son horrible épouse. Malgré ses pulsions meurtrières, il demeure un personnage très attachant ! Enfin, on avait quitté Hélène, la petite dernière, pressée de quitter le giron familial et de débuter des études d'art. Quatre ans plus tard, en 1952, les parents Pelletier sont restés à Beyrouth et leurs enfants travaillent à Paris. Jean a pour projet l'ouverture d'un immense magasin de prêt-à-porter au cœur de Paris. Tout est orchestré par la manipulatrice Geneviève, plus terrible que jamais. L'histoire est alors l'occasion de plonger au cœur de l'entreprise des années 1950, quand le droit des salariés n'était qu'une idée. Abus de pouvoir du petit patronat autoritaire, difficultés des salariés face aux mauvais traitements et aux décisions abusives : le tout est abordé avec un humour ravageur qui fait mouche. Autre lieu, autre thème : on suit l'histoire de Chevrigny, petit village prêt à être englouti par les eaux pour permettre la mise en service d'un barrage hydraulique. C'est Hélène qui va être chargée de suivre l'affaire pour la presse, rencontrant les protagonistes opposés ou partisans au projet. Enfin, l'époque est à la répression de l'avortement et à la chasse aux « coupables », les femmes autant que les médecins. Quant à Louis le patriarche, depuis Beyrouth, il met toute son énergie au service de matchs de boxe, aidant Lucien, l'un de ses jeunes employés à la savonnerie auquel il tient beaucoup et nous découvrirons bien sûr pourquoi. Ces différentes histoires s'enchaînent et s'entremêlent, ponctuées par autant de rebondissements et de suspense que d'humour. Pierre Lemaitre a un talent fou pour nous dépeindre des personnages hauts en couleur, même les plus détestables et pour nous entraîner dans un récit au rythme qui ne faiblit jamais. Lire Le Silence et la Colère, c'est à la fois se plonger dans un roman policier, une saga familiale, une histoire aux notes politiques et aux secrets multiples. On frisonne, on rit, on est ému et on tourne les pages frénétiquement. Précipitez-vous, vous allez continuer d'adorer la famille Pelletier !