Polar

Davide Longo

Les Jeunes Fauves

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photo libraire

Chronique de Adrien Lemoine

Librairie Eyrolles (Paris)

Auteur de littérature remarqué, Davide Longo revient avec deux excellents polars aux éditions du Masque. Alors que Corso Bramard traque un tueur en série, Vicenzo Arcadipane, son disciple, fait ressurgir de mystérieux ossements d'un chantier ferroviaire. Mais c'est toujours leur union qui fera la différence.

Après une carrière littéraire exemplaire, vous passez du roman de montagne au roman policier dans un décor toujours aussi escarpé. Êtes-vous vous-même un montagnard ou cette fascination pour les sommets reste exclusivement le lieu d'un fantasme romanesque ?

Davide Longo - Montagnard, c’est sans doute un peu exagéré. Je suis né dans la plaine du Piémont d’où les montagnes sont toujours visibles au loin. Depuis mon enfance, je me suis souvent rendu dans les montagnes où j’ai passé tous mes étés, mes vacances. C’est encore le cas aujourd’hui. C’est dans ses premières années qu’un enfant construit sa propre épopée et le matériau avec lequel j’ai construit la mienne est celui de la montagne. Il est rare qu’avec l’âge, on change ses fondamentaux.

 

Le roman policier est un genre très codifié. Vous semblez pourtant réussir à le rendre étonnamment littéraire. Quelles raisons vous ont poussé à écrire du polar ?

D. L. - J’ai choisi le roman policier parce que c’est le genre qui réunit le plus de lecteurs. Et la plupart d’entre eux restent souvent à distance des romans dits plus littéraires. Mais que se passe-t-il si, dans le club où ils vont habituellement danser sur une musique à laquelle ils sont habitués, je me faufile et produis de la musique, pour danser toujours, mais qui puise un peu dans Bach, dans Debussy, dans l’électronique et dans le folklore du monde entier ? C’est ce dont j’ai eu l’idée. Et les lecteurs semblent y danser avec plaisir. Pas tous, évidemment ! Mais on n’écrit jamais pour tout le monde.

 

Quelles ont été vos sources d'inspiration pour créer les personnages d'Arcadipane et de Bramard ?

D. L. - Beppe Fenoglio, Philippe Claudel, Georges Simenon, Paolo Conte, le dur à cuire américain de Cormac McCarthy, Agota Kristoff, beaucoup de séries télévisées, les films d’Audiard et Guédiguian, et de nombreuses conversations de bar. Beaucoup de France, en somme, beaucoup d’Amérique et beaucoup de Piémont.

 

Les deux acolytes sont des personnages très torturés. Est-ce un élément nécessaire à l'écriture d'un bon roman ?

D. L. - Je ne dirais pas qu’ils sont tourmentés. Ils sont seuls, blessés et en lutte avec des pulsions. Je dirais que oui, un roman, une histoire proviennent presque toujours d’une blessure et bien que ces deux personnages ne la guérissent pas, ils font leur possible pour la garder propre, la désinfecter, la suturer, la transformer en une cicatrice suffisamment élégante. C’est ce qui arrive à l’écrivain mais aussi, par conséquent, aux personnages sur lesquels il écrit.

 

Après un premier volet du roman tournant autour du personnage de Bramard, le deuxième nous plonge dans l'univers d'Arcadipane. Quel point de vue prendra la suite de leurs aventures ?

D. L. - Au fur et à mesure que progresse la série, les deux personnages coexistent de plus en plus. C’est peut-être parce que j’ai compris, en apprenant à les connaître, que j’avais besoin de leurs deux objectifs pour mon appareil photo. J’ai donc fini par prendre des photos avec leurs deux objectifs, en alternance, lorsque je pensais que tel moment de l’enquête devait être observé selon le point de vue de Bramard ou d’Arcadipane.

 

Corso Bramard n'est pas un enseignant comme les autres. Autrefois, il était le plus prometteur des commissaires de sa génération. Mais depuis qu'Automnal, tueur en série méthodique qui grave dans la peau de ses victimes des dessins étranges, s'en est pris à sa famille, il n'est plus tout à fait le même. La nuit, il grimpe en montagne dans l'espoir inconscient de chuter pour oublier. Dans une lettre du tueur reçu vingt ans plus tard, il semble y avoir une lueur d'espoir. Avec l'aide du commissaire Vincenzo Arcadipane, que Corso a formé, il va tout tenter pour en finir avec cette sordide affaire. Le commissaire Arcadipane fera en effet de nouveau appel à son mentor et enseignant lorsque sa hiérarchie lui retirera une affaire qui semble particulièrement louche. Il s’agit de l’exhumation d’ossements de douze victimes mortes d'une balle dans la nuque, dont tout laisse à penser qu'il s'agit de crimes datant de la Seconde Guerre mondiale. Pourtant Corso et Arcadipane découvriront dans leur enquête parallèle qu’il faudra tout remettre en question.