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Collectif

Pompéi

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Chronique de Raphaël Rouillé

Bibliothèque/Médiathèque de Saint-Christol-lez-Alès (Saint-Christol-lez-Alès)

Comme figée en pleine activité, la ville de Pompéi, engloutie en l’an 79 par la terrible éruption du Vésuve, a mystérieusement conservé ses richesses, son art et son architecture. Soixante-six hectares, dont quarante-quatre ont été fouillés, mettent aujourd’hui en lumière des monuments et un art de vivre à jamais fascinants.

Deux siècles et demi nous séparent de la redécouverte de Pompéi et le même sentiment persiste : la chute de cette civilisation n’a pas entraîné sa disparition de la mémoire des hommes. Au contraire, ses mystères se sont peu à peu révélés grâce aux nombreuses fouilles engagées depuis 1748. Aujourd’hui, nous savons beaucoup de choses sur Pompéi, comme le montre l’exposition organisée au Musée Maillol. Dans le catalogue intitulé Pompéi, un art de vivre (Gallimard), on est frappé par la richesse des découvertes et par la somme des informations recueillies. Ce sont toutes les couleurs, la vie grouillante, l’architecture somptueuse, les œuvres d’art ou les objets du quotidien qui semblent ressuscités. Les décorations peintes, les mosaïques, la petite taille des édifices, le raffinement, l’effervescence de la vie culturelle paraissent étrangement vivants.

L’ouvrage permet de comprendre les us et coutumes des anciens Romains. On apprend que chaque foyer était relié à l’eau courante grâce au système hydraulique capillaire, que la participation aux élections était très active ou que les femmes, soumises en droit, étaient en réalité subtilement émancipées, « ni matrones ni Messaline » précisent Eva Cantarella et Luciana Jacobelli dans leur excellent travail publié aux éditions de L’Imprimerie Nationale. Bronzes, marbres blancs, argile moulé, or et émeraude, terre cuite, verre transparent bleu ou vert, argent fondu, martelé, gravé : bien des matériaux maîtrisés donnent lieu à de superbes réalisations sculptées reproduites dans le catalogue. À leurs côtés, des enduits peints (fresques), de l’Encre de Chine et aquarelle sur papier ou carton, de la gouache : tout un savoir-faire témoignant aussi de la richesse de la cité, située dans un environnement privilégié. La région du Vésuve était particulièrement riche en huile et en vin. L’embouchure du Sarno ouvrait la route au commerce maritime et à toutes les influences venues de Grèce et d’Orient. Les riches demeures citadines témoignent du raffinement de la population, et l’étude des mœurs nous renseigne sur l’esclavage, la sexualité, les gladiateurs ou les cultes de Dionysos et d’Isis. La végétation a également beaucoup marqué l’histoire de Pompéi. Grâce à la fertilité du sol volcanique et à la douceur du climat méridional, une flore luxuriante favorisait l’émergence de somptueux jardins. Des fouilles stratigraphiques ont permis de révéler, au cours du XIXe siècle, cette vie végétale, sa répartition et son organisation dans la sphère privée ou dans l’espace public.

Tandis que le catalogue de l’exposition laisse la parole à plusieurs spécialistes selon des thèmes définis, le livre d’Eva Cantarella et Luciana Jacobelli est organisé en trois grands mouvements : « Naître », « Vivre », « Mourir ». Et c’est bien le thème central, cette vie, que nous avons envie de retenir de Pompéi, tellement elle éclate à chaque page. Dans son petit ouvrage publié aux Belles Lettres et intitulé Fièvre électorale à Pompéi , Karl-Wilhelm Weeber revient très précisément sur l’effervescence qui caractérise la vie de la cité, en particulier au moment des élections. Les dipinti, ou inscriptions peintes, « tracés à grands coups de pinceau sur la plupart des murs de maisons, représentent quelque chose d’unique, qui n’a été conservé qu’ici », précise l’auteur. Ces inscriptions pariétales expriment une grande liberté de ton, ainsi qu’un très vaste registre d’intérêts. Témoignages souvent individuels, ils sont des fragments de l’histoire sociale et permettent de comprendre la culture et la civilisation du monde romain. Avec un décalage de 2000 ans, Karl-Wilhem Weeber nous fait revivre ces campagnes électorales dont nous devenons les témoins : on observe ainsi comment des personnes seules et des familles, des associations professionnelles et des voisins interviennent. Même les femmes qui n’ont aucun droit de vote prennent position et s’expriment politiquement. Ressuscitée, la vie grouillante de l’antique Pompéi n’a cessé de passionner les historiens. Dans Pompéi, les doubles vies de la cité du Vésuve, Béatrice Robert-Boissier pousse un peu plus loin la réflexion sur cette cité mise au jour dans des conditions exceptionnelles de conservation et en restitue les métamorphoses : « Tour à tour terrain de batailles armées, objet de conflit entre intérêts politiques et scientifiques, joyau de la couronne napolitaine et manifeste d’une Italie libérale et unifiée, le laboratoire de politiques patrimoniales et destination touristique de premier choix : Pompéi semble avoir vécu mille vies. »

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