Littérature étrangère

Jane Bowles

Plaisirs paisibles

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photo libraire

Chronique de Claudine Courtais

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Les éditions Christian Bourgois ont la riche idée de rééditer dans leur précieuse collection de poche « Titres », les nouvelles et l’unique pièce de théâtre de Jane Bowles. Voilà une très bonne occasion de découvrir ou redécouvrir cet auteur atypique de la littérature américaine.

Mal considérée par les critiques de son époque mais adulée par ses pairs, Jane Bowles est plus connue pour avoir été l’épouse du compositeur et écrivain Paul Bowles, que pour ses écrits. Née à New York en 1917, c’est à 15 ans qu’elle se découvre une passion pour la littérature, alors qu’elle séjourne dans un sanatorium en Suisse pour soigner une tuberculose. De retour dans sa ville deux ans plus tard, elle embrasse la carrière d’écrivain tout en multipliant les expériences sexuelles de toutes natures. En 1937, elle fait la connaissance de Paul Bowles, qu’elle épousera un an plus tard. Très libres dans leur couple, ils resteront mariés tout en vivant leur vie homosexuelle chacun de leur côté. Son unique roman, Deux Dames sérieuses, paraît en 1943. L’originalité de son écriture et de son propos est loin de séduire les critiques, qui ne réussissent pas à entrer dans son œuvre et la jugent peu digne d’intérêt. En 1948, elle rejoint Paul à Tanger où il s’est installé pour écrire son roman Un thé au Sahara. Jane continue d’écrire, mais c’est une lutte perpétuelle avec elle-même. Sa relation à l’écriture, vécue comme un acte créateur viscéral, prend de telles proportions que chaque mot devient source de souffrance. Personnage excentrique et excessif, elle s’éprend d’une jeune marocaine et abuse de l’alcool comme de la drogue. Malgré tout, elle continue d’écrire et c’est à cette période qu’elle compose l’une de ses plus brillantes nouvelles : « Camp Cataract ». Alors que Paul devient un écrivain à la mode suite à la publication d’Un thé au Sahara, Jane a toujours beaucoup de mal à faire passer ses écrits. Sa seule pièce de théâtre, Sa maison d’été, sera produite en 1953, mais ne convaincra ni le public ni la critique, malgré le soutien de Truman Capote et Tennessee Williams. Ce dernier écrit à son sujet : « C’est l’une de ces rares pièces qui ne sont pas mises à l’épreuve du théâtre, mais qui mettent le théâtre à l’épreuve. » Buvant et fumant plus que de raison, Jane est victime d’une attaque cérébrale en 1957 qui la laisse affaiblie et réduit ses capacités. Elle meurt en 1973, laissant derrière elle une œuvre déroutante mais passionnante.