Littérature étrangère

Nick Tosches

Moi et le diable

illustration
photo libraire

Chronique de Jérôme Dejean

Librairie Les Traversées (Paris)

Nick Tosches et Toby Barlow aiment brouiller les pistes et jouer avec les codes de la littérature de genre. Deux romans réjouissants où se télescopent citations et références. Le tout dans une furieuse énergie créatrice.

Écrivain culte, Nick Tosches appartient à cette génération d’auteurs américains à la fois romanciers, biographes, poètes, journalistes et critiques rock. Ce New-Yorkais né en 1949 se situe à la croisée des chemins, quelque part entre Hunter S. Thompson, Hubert Selby Jr. et un Umberto Ecco sous acides. Ses biographies sont des modèles du genre. Ses romans, des thrillers érudits. Mais un point commun se dessine au sein de cette œuvre. Une fascination pour le mal qui semble habiter tous ses personnages, réels ou de fiction. Moi et le diable n’échappe pas à cette règle… au contraire, il s’en nourrit. Le titre est une référence directe à Robert Johnson, le bluesman qui « aurait vendu » son âme. Nick, écrivain vieillissant, s’interroge sur les effets du temps. Il s’étourdit dans des rencontres avec de très jeunes femmes qu’il séduit dans les bars de Manhattan. Lorsqu’il croise la belle Mélissa et goutte son sang, son corps commence à changer. Variation sur le mythe du vampire, Moi et le diable est un roman sur la création, le talent et la nécessaire transgression. Toby Barlow est en passe de devenir un écrivain culte. Après Crocs (Grasset, 2008) qui revivifiait le mythe du lycanthrope et était rédigé en vers libre à mi-chemin entre slam et chœur antique, une prouesse stylistique, cette fois-ci, la narration est plus classique… mais pas l’histoire. Nous sommes à Paris en 1959. Une capitale un peu différente, car envahie à la fin de la Seconde Guerre mondiale par les babayagas, ces sorcières slaves venues du fond des âges qui, dans l’ombre, manipulent les hommes. L’inspecteur Vidot chargé d’élucider un meurtre va croiser leurs routes et se retrouver transformé en puce… Une œuvre jubilatoire, décalée et passionnante. Un roman noir, féministe et surnaturel.

Les autres chroniques du libraire