Jeunesse

Charlotte Poussin

Ma journée Montessori

illustration

Chronique de Coralie Sécher

Librairie Coiffard (Nantes)

La littérature jeunesse est riche et multiple. Pourtant, il est facile de constater que les figures d’enfants sont peu nombreuses. Outre les bébés célèbres de Jeanne Ashbé, les plus petits ont souvent pour modèles des animaux, des petites bêtes mais peu de petites bouilles leur ressemblant de près ou de loin.

Pour ce début d’année, les éditeurs s’entourent d’auteurs et d’illustrateurs qui proposent aux bébés des albums aux personnages humains, qui leur ressemblent. Caroline Fontaine-Riquier, l’auteur et illustratrice connue pour la série Balthazar (Hatier), qui s’appuie sur la pédagogie Montessori, nous propose deux titres qui inaugurent une nouvelle collection chez Sarbacane : Moi et mon chat et Moi et mon camion. Dans ces deux albums cartonnés, le texte est simple et raconte le quotidien des petits. Dans Moi et mon camion, par exemple, on retrouve l’enfant qui joue avec ce camion : il le traîne, y pose son doudou, s’assoit dessus, etc., tout ce que l’on peut voir d’un enfant jouant en autonomie. La lecture de ces histoires peut rassurer l’enfant, le conforter sur la façon dont il joue, parfois lui montrer qu’il n’a pas encore tout exploré. Les Petites Mains de Carine Hazan et Vincent Bourgeau aux éditions Thierry Magnier est un véritable imagier avec tout ce que peuvent accomplir les mains d’un enfant ou d’un adulte. Peu à peu, l’enfant va apprendre à faire tous ces gestes quotidiens par lui-même : applaudir, beurrer ses tartines, chatouiller, se coiffer. L’important ici est de comprendre que même si les mains de l’adulte ne sont plus présentes pour aider le plus petit, celui-ci sera capable de faire de plus en plus de choses seul mais il pourra aussi demander de l’aide à des camarades si besoin. Les éditions Bayard Jeunesse lancent également leur collection avec des enfants héros d’histoires.
La série des Maxime débute avec quatre titres, écrits par Charlotte Poussin, éducatrice Montessori, et illustrés par la talentueuse Nantaise, Emmanuelle Houssais. Ces différents titres déroulent la journée du petit garçon : le réveil, l’habillage, le petit déjeuner et la sortie au parc. Les textes sont assez longs mais plutôt rassurants pour les enfants. Lorsque Maxime se réveille, il prend son temps, s’étire et demande à sa maman si elle a bien dormi : des actions qui parlent aux petits, qui se retrouvent sans hésitation dans les descriptions de leur quotidien à eux aussi. Encore une fois, le fait de raconter, dans une histoire qui leur est destinée, des actions pour lesquelles ils ont besoin de modèle et surtout de confiance, permet aux enfants en plein apprentissage de se sentir plus en sécurité et de pouvoir découvrir qu’ils ne sont pas seuls à découvrir l’autonomie et de nouvelles actions dont ils peuvent être fiers.
On pourrait se demander si l’objectif des livres pour les plus petits n’est pas plutôt de faire rêver, de montrer des mondes imaginaires et fascinants. Ces deux approches de la littérature jeunesse ne semblent pas si éloignées finalement. Il n’est pas interdit de rêver, bien au contraire. Seulement, les enfants qui sont en apprentissage perpétuel ont parfois besoin de repères, d’exemples. Au quotidien, les adultes leur demandent beaucoup et de nombreux gestes, comme le fait de mettre le couvert ou enfiler son manteau, nous semblent simples et nous réalisons nous-mêmes ces actions sans réfléchir. Pour l’enfant, cela demande de la coordination dans les mouvements, une réflexion sur l’espace qui l’entoure aussi. Les lecteurs adultes lisent régulièrement des textes dans lesquels ils peuvent se retrouver, avec des personnages leur ressemblant de près ou de loin. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les plus jeunes ? La construction de l’identité se fait aussi par l’apprentissage de l’autonomie, des différences, du partage d’expériences. Laissons nos enfants expérimenter, se tromper, recommencer, s’acharner, abandonner, réfléchir et réussir. Parce que les enfants sont souvent bien plus courageux que nous, ils ont énormément de volonté et vont au bout de leurs projets. Finalement, ce sont peut-être eux nos modèles ?

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