Essais

Michel Margairaz

L’État détricoté

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Chronique de Jérémie Banel

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Saisie par l’irruption du phénomène Macron et sa capacité à rassembler au-delà des clivages partisans anciens, la gauche française se cherche, et nombreux sont les livres qui se proposent d’aider à y voir plus clair. Petit tour d’horizon.

Comme souvent, le passage par l’Histoire est une bonne porte d’entrée pour comprendre et agir au présent. À ce titre, L’État détricoté, publié par les éditions du Détour, en s’attachant à décrire la lente mais tenace déconstruction de l’État depuis 1945, offre un ancrage historique, non seulement aux politiques actuelles mais aussi à ceux qui s’y opposent, en les replaçant dans un temps plus long et dans une idéologie politique qui semble parfois avancer masquée. Michel Margairaz et Danielle Tartakowsky, en documentant avec pédagogie ce mouvement prétendument inéluctable, mettent en lumière des façons radicalement opposées de penser le rôle de l’État. C’est également par le biais de la question des oppositions entre différents points de vue qu’Yves Citton a inauguré, avec son livre Contre-courants politiques, la nouvelle collection d’essais des éditions Fayard. En identifiant une dizaine de polarités politiques françaises (identifiées chacune d’entre elles par un néologisme de son cru), il réhabilite à la fois le débat et démontre l’inanité de consensus tièdes, tout autant que les postures partisanes de principe. Chacun étant susceptible à chaque chapitre de se reconnaître dans l’un ou l’autre camp voit dans le même temps la complexité de situations et de choix trop souvent résumés sommairement dans le débat public. C’est aussi pour peser dans le débat public qu’Agathe Cagé, auteure de Faire tomber les murs entre intellectuels et politiques, toujours dans la même collection, a choisi, lors de la campagne de 2017, de s’engager aux côtés de Benoît Hamon. Elle tire son livre de cette expérience pratique, adossée à une réflexion théorique issue de son travail universitaire. En abordant les sujets qui lui sont chers, au premier rang desquels l’éducation, elle propose un nouveau type de relation entre ces deux mondes aux liens si particuliers, plus basés sur l’écoute et la compréhension mutuelle que sur l’affichage ou la récupération d’idées plus ou moins bien digérées. Enfin, Julia, sa sœur jumelle, publie un livre très ambitieux pour lequel nous formulons le souhait – illusoire – que médias et décideurs s’en emparent. Dans Le Prix de la démocratie, elle démontre avec force, chiffres à l’appui, qu’il est possible de fixer un coût précis à une voix lors d’une élection, permettant ainsi aux candidats les plus fortunés et/ou disposant de relais financiers précis, de se placer dans les meilleures conditions. C’est rien moins que le fonctionnement de la démocratie qui est ici remis en cause : à la règle « un citoyen, une voix » est en train de se substituer « X euros, une voix ». Des dérives que l’on pensait réservées à l’Amérique.Par

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