Jeunesse

Michael Morpurgo

Le Royaume de Kensuké

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photo libraire

Chronique de Aurélia Magalhaes

Bibliothèque/Médiathèque Jean Cocteau (Massy)

Afin de célébrer comme il se doit son quarantième anniversaire et la fin d’année, Gallimard Jeunesse s’apprête à lancer une nouvelle collection de romans. Après une première salve de sept titres en octobre, huit à douze sont prévus en 2013, pour permettre aux lecteurs, petits et grands, de compléter ce qui se veut une bibliothèque idéale de grands textes de la littérature jeunesse.

Au cours des quarante ans qui viennent de s’écouler, Gallimard Jeunesse n’a cessé de mettre le lecteur au cœur de ses choix éditoriaux, c’est-à-dire de rechercher pour lui des livres de qualité qui l’aident à grandir. Ainsi, on peut relire bien des romans de cet extraordinaire catalogue et retrouver l’émotion de la lecture initiale. C’est donc bien l’envie de donner à lire ou relire le meilleur de la littérature jeunesse qui est à l’origine de la nouvelle « Bibliothèque Gallimard Jeunesse ». Aucun risque de confondre les livres de cette collection avec le reste de la production. Les romans de la « Bibliothèque Gallimard Jeunesse » ont une identité bien particulière, qui en fait de vrais livres cadeaux. Sobres et élégants, ils n’en sont pas moins modernes : si la jaquette et le logo ou le blanc de couverture donnent à l’objet un côté précieux, les matières utilisées (papier soyeux, couverture souple, mise en page aérée) contribuent au confort de lecture et de prise en main, l’idée étant de renforcer le lien affectif qui existe avec l’objet. Alors qu’on ne cesse de parler de dématérialisation du livre, Gallimard Jeunesse propose des ouvrages à offrir, à collectionner, et qu’on aura plaisir à lire et à relire, un peu comme les écrins d’histoires formidables. On se souviendra non seulement de ce qui nous a tant fait rêver, mais aussi de l’objet qui a suscité un tel transport. Lorsqu’il s’agit d’ouvrages illustrés, les images ont été reproduites à l’identique. Dans le cas de Matilda de Roald Dahl, le studio graphique a même travaillé à partir des fichiers de la Fondation Blake pour que les dessins soient le plus proche possible des originaux. En effet, il ne faut pas oublier que pour certains romans, les illustrations jouent un rôle essentiel. Elles renforcent l’imaginaire du texte et permettent aux lecteurs d’entrer directement en connivence avec l’intrigue.

Faire son chemin dans la forêt des livres n’est pas toujours simple pour les enfants. Difficile de savoir, quand on n’est pas un expert, ce qui peut nous plaire ou ce qui est trop difficile. C’est un peu dans cette idée que la « Bibliothèque Gallimard Jeunesse » a été conçue. Elle veut proposer des romans qui, avec le temps, sont devenus de véritables classiques appréciés par des générations de lecteurs, mais qui peuvent aussi toucher les jeunes d’aujourd’hui. Des livres accessibles, pour certains dès 8 ans et d’autres pour leurs aînés. Dans le catalogue important que compte Gallimard Jeunesse, le choix des livres à publier s’est d’abord porté sur des titres évidents comme Le Petit Prince ou Harry Potter, mondialement (re)connus, mais aussi sur des pépites comme Le Royaume de Kensuké ou L’Histoire de Pi, ainsi que sur des chefs-d’œuvre de drôlerie tels que La Sorcière de la rue Mouffetard ou Matilda. Il en résulte une sélection équilibrée qui illustre bien l’histoire de Gallimard Jeunesse et la diversité de ses imaginaires : d’ici et d’ailleurs, de romans du quotidien, de fables ou de fantastique… Faire un choix est par définition éminemment subjectif, mais que l’on se rassure, les prochains lancements de la « Bibliothèque Gallimard Jeunesse » devraient réparer les oublis de cette première salve. Ce qu’il y a d’enthousiasmant dans ce projet de collection, c’est l’esprit qui y préside : à savoir qu’il nous rappelle à quel point un éditeur, et finalement tous les médiateurs du livre qui vont amener les enfants à la lecture, sont des passeurs. Leur ambition est de transmettre aux enfants l’importance des livres dans la vie : grandir, rêver, s’émouvoir, voyager, les pouvoirs de la littérature sont grands. Donner à lire, c’est non seulement créer avec un enfant une certaine connivence, mais aussi lui proposer de découvrir la vie sous l’angle du plaisir et de la joie. Quel plus beau cadeau peut-on lui faire ?

Chaque roman de la collection est publié avec une préface écrite par des personnalités d’aujourd’hui, auteurs ou non de littérature jeunesse (François Place, J.-C. Mourlevat, Ang Lee…). Loin d’être didactiques, elles ne proposent pas des études de texte, mais bel et bien l’expérience singulière de ces écrivains avec le livre qu’ils présentent. On peut voir dans le choix de ces personnes plusieurs raisons : d’abord, écrivant pour les enfants, ils savent s’adresser à eux et trouvent les mots qui font mouche pour apprivoiser le lecteur, ils savent aussi tisser un lien de confiance pour passer le seuil de la couverture et se plonger dans le livre. Ensuite, il s’agit ici, d’auteurs contemporains. En introduisant ces romans, ils se saisissent du flambeau que leur tend leur aîné et montrent à quel point la littérature de jeunesse est une littérature à part entière, ô combien vivante. On peut donc écrire à la suite de Dahl, Gripari ou Pennac et en être fier. On peut écrire pour les enfants et produire de grands romans. C’est ce que font tous les auteurs de ces préfaces et on ne saurait que trop vous recommander de découvrir leur œuvre, après avoir dévoré les livres de cette Bibliothèque ! Toutefois, le plus émouvant dans ces préfaces, c’est de sentir l’expérience qu’a représentée la lecture de ces romans pour ces hommes et ces femmes. On comprend alors qu’un livre peut, sinon transformer une vie, du moins créer des souvenirs uniques qui accompagnent pour toujours. En partageant cela avec les lecteurs, ils créent un lien fort avec eux, un lien tangible qui donnent au livre, objet, une vie à part entière.

En quarante ans, Gallimard Jeunesse n’a pas pris une ride et la « Bibliothèque Gallimard Jeunesse » permet de mettre en avant un savoir-faire. Quel est le secret de leur succès ? Sans doute l’esprit qui anime cette encore fraîche maison d’édition. Le même que celui des origines : produire des livres de qualité, exigeants dans le fond et dans la forme, en ayant toujours envie de proposer le meilleur aux lecteurs, quelles que soient les modes ou les mauvaises langues qui prédisent la mort du livre ou la désaffection de la lecture par les jeunes. Donner à lire est un engagement pour Gallimard Jeunesse. Ils ne sont pas près d’y renoncer.

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