Essais

Florence Dupont

L’Antiquité, territoire des écarts

illustration

Chronique de Éric-Michel Tosolini

()

Dans son dernier cours au Collège de France, Michel Foucault étudiait la figure antique du parésiarque, celui qui pratique « le courage de la vérité », notion sur laquelle les deux ouvrages de Florence Dupont et John Scheid offrent d’éclatantes variations. 

Ces deux livres d’excellentes factures paraissent au sein des collections qui ont démontré leur valeur. Recourant à des approches qui, pour être différentes, n’en sont pas moins complémentaires, ces travaux tendent au même objectif : interroger notre rapport aux auteurs grecs et latins. Les Entretiens de Florence Dupont offrent au lecteur des motifs d’intense plaisir intellectuel par la vivacité de leur ton et l’alacrité qui les traverse de bout en bout. L’auteure va et vient en toute liberté au sein des nombreux chantiers ouverts par ses travaux depuis quatre décennies, sur le théâtre et la question des « origines » en particulier. Chemin faisant, elle pose les jalons « d’une pratique démystifiée des cultures anciennes ». Quant à John Scheid, dont le nouvel essai se distingue par cette érudition sans faille qui rend toute lecture limpide, il continue d’explorer inlassablement les soubassements conceptuels et les prolongements idéologiques des discours tenus par les détracteurs de « la religion civique romaine ». Ce faisant, il remet en cause les habituelles dichotomies, selon lui factices, qui tendent à opposer « ritualisme » et « religiosité », « institution » et « émotion » ou « culturel » et « universel ». Que les lecteurs non-spécialistes ne renoncent pas à s’aventurer à l’intérieur de ces pages sous prétexte de leur apparente aridité. Car, chacun à sa manière, les deux auteurs célèbrent des pensées de « l’écart » et ouvrent « d’autres chemins vers l’Antiquité » aptes à nourrir les débats qui traversent nos sociétés, sur l’Europe, l’identité, la laïcité ou les pratiques religieuse et artistiques.