Littérature étrangère

David Byrne

Journal à bicyclette

illustration
photo libraire

Chronique de Géraldine Huchet

Pigiste ()

Lorsque les beaux jours arrivent, on a soudain envie de balade en plein air, de flâner nez 
au vent. Et quoi de mieux que la petite reine, 
à laquelle trois nouveaux livres sont 
consacrés, pour assouvir ce plaisir ? Un journal, un récit d’aventures et un roman, allez, 
hop, tous en selle !

Saviez-vous que David Byrne, le chanteur des Talking Heads, avait une passion pour le vélo ? Depuis des années, au cours de ses tournées, il emmène son deux roues pliant et sillonne les villes du monde entier. Excentrique et curieux de tout, il nous fait part de ses considérations (politiques, artistiques, sociales) en traversant les rues dévastées de Detroit ou les ruelles de Buenos Aires. C’est ainsi qu’une visite à Berlin sera prétexte à une analyse détaillée du musée de la Stasi, ou à des considérations sur la « nostalgie de la boue » en voyant une capitale aussi bien ordonnée. La bicyclette devient ainsi le meilleur moyen de se déplacer, en bifurquant, en allant à son rythme, et en passant allègrement d’un sujet à l’autre. De New York à Istanbul, en passant par Manille ou Sydney, il est toujours question de mutations urbaines et du désir de penser des façons de mieux vivre ensemble. Avec, au passage, des photos instructives et des conseils (avisés ou complètement loufoques !) aux cyclistes.


Plus classique mais non moins trépidante, l’enquête de Herlihy sur « le tour du monde d’un aventurier et sa mystérieuse disparition » tient toutes ses promesses. Frank Lenz, comptable américain, rêve de faire le tour du monde. Nous sommes en 1880, et notre vaillant cycliste amateur lâche tout pour parcourir 32 000 kilomètres sur trois continents. Trois ans plus tard, après de multiples péripéties, il disparaît mystérieusement en Turquie. C’est alors que cette aventure, déjà assez incroyable (l’un des premiers tours du monde à vélo !) entre dans la légende puisqu’un autre cycliste, William Sachtleben, part sur ses traces et décide de retrouver ses assassins. Passionnante de bout en bout, cette aventure hors du commun montre le courage et la force de caractère de ces hommes qui vont au bout de leurs rêves, quitte à y perdre la vie.


Quant au nouveau roman de Didier Decoin, il utilise la bicyclette comme emblème de la liberté et de l’émancipation d’une femme. C’est une belle réussite. On est dans le pur romanesque et ce serait dommage de bouder son plaisir ! L’ouvrage met en scène la petite Sioux Ehawee, rescapée du massacre des Indiens de Wounded Knee, adoptée par un photographe anglais et grandissant tant bien que mal entre les commérages des villageois et la bienveillance de son nouveau père. Devenue Emily, elle va voir sa vie transformée le jour où elle reçoit en cadeau de mariage une bicyclette et commence à découvrir la campagne anglaise et ses (étranges) habitants. C’est un roman joyeux, lumineux – malgré les morts qui s’y succèdent –, dans lequel on croise des fées, Sir Arthur Conan Doyle, et une belle contorsionniste. On pédale sans vouloir s’arrêter, avec l’espoir de découvrir, peut-être, une certaine vérité. C’est surtout une très belle histoire d’amour, de liberté et de désir, où les « attrapeurs de rêves » indiens se mêlent au spiritisme et où l’imagination foisonnante du romancier nous fait prendre des chemins de traverse. De beaux moments d’évasion, à bicyclette évidemment.