Essais

Alessandro Stanziani

Capital Terre

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Chronique de Jérémie Banel

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En périodes troublées et incertaines, penser son époque dans sa durée et sa complexité permet de développer une réflexion critique et réellement utile. Un enjeu mondial, porté ici par un auteur italien et une autrice allemande.

Le constat tout d’abord. L’histoire longue proposée par Alessandro Stanziani dans Capital Terre envisage sous toutes ses coutures l’histoire de notre planète et de son sol comme un bien commun à partager. Il livre un récit dense et riche en points de vue divers, documentant à la fois les rapports de force sociaux, l’évolution de la capacité de production agricole ou encore la terrible histoire des famines. Mais surtout, il signe un plaidoyer économique et historique documenté, en démontrant que la seule solution mondialement soutenable passe par un combat impitoyable contre les injustices, porté par une solidarité mondiale. C’est bien entendu tout sauf un hasard si l'ouvrage est préfacé par Thomas Piketty, tant les travaux des deux penseurs se complètent. L'action ensuite. C’est également pour plus de justice que se mobilise Eva Von Redecker de façon plus radicale et pratique. Son approche philosophique unit les différents mouvements sociaux et mobilisations contemporaines (féminisme, écologie, antiracisme) sous la bannière de la lutte pour « la vie », soit le refus obstiné et absolu de ce qui empêche de mener une existence pleine et entière. Ces différentes formes de contestation, trop souvent présentées comme minoritaires, illégitimes ou encore communautaires, gagnent ici une cohérence globale, en formant des parties d’une lutte collective sur plusieurs fronts, avec là aussi un objectif guidé par le besoin de justice, partout et pour tous. Un texte de combat universel donc, pour dépasser les oppositions binaires et les prétextes à l’inaction : face aux catastrophes, détruisons ce qui nous détruit, pour pouvoir enfin vivre.

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