Littérature étrangère

Cecil Scott Forester

Capitaine Hornblower, 3

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Chronique de Anne Canoville

Librairie L'Astrolabe (Rennes)

C’est bien connu, tous les marins ont le mal de mer, même les meilleurs. Horatio Hornblower, personnage éponyme des livres de C. S. Forester, ne fait pas exception. Les amateurs de romans d'aventures maritimes le connaissent peut-être déjà. Pour les autres, il est temps de faire les présentations !

 

Si les romans de C. S. Forester ont connu et connaissent aujourd'hui encore un grand succès populaire au Royaume-Uni, en France, l’accueil fut un peu plus confidentiel. Il faut dire qu’ils ont pour théâtre les guerres napoléoniennes... vues du côté anglais ! Dans cette saga publiée de 1937 à 1967, on suit la vie et la carrière palpitantes d’Hornblower dans la marine de guerre britannique. Les éditions Folio ont choisi de respecter l’ordre de parution originelle, plutôt que la chronologie du personnage. Un choix intéressant qui nous fait découvrir un capitaine déjà expérimenté, plus affirmé dans la manière de gouverner son navire et son équipage. Mais dès les premières lignes de L’Heureux Retour, qui s’ouvre aux lendemains de la bataille de Trafalgar, on retrouve les traits qui donnent tout son charme et sa profondeur au personnage : ancien aspirant de marine maladroit et timide, il a gagné en assurance sans jamais se départir de sa propension à réfléchir et douter de lui-même. Ainsi, bien que les romans de C. S. Forester semblent d’abord s’adresser aux amateurs d’Histoire ou aux passionnés de vieux gréements, d’autres lecteurs et lectrices gagneront à se laisser séduire par ce héros singulier et attachant. Le degré de précision historique et technique de l’écriture de C. S. Forester lui confère un réalisme historique passionnant et instructif. Mais c’est sans doute l’humanité sensible de ses personnages qui rend ses textes indémodables. À l’image de Joseph Conrad, C. S. Forester parvient aussi à imprégner ses histoires d’une atmosphère propre aux récits du grand large. Cela tient moins ici à des effets stylistiques – l’écriture est sobre – qu’à des éléments narratifs diffus : par exemple, la conscience permanente d’être soumis à des circonstances sur lesquelles on n’a aucune prise et que l’on ne peut jamais complètement anticiper. Cela vaut pour la navigation, soumise aux caprices de la météorologie marine, mais aussi pour la manière dont on dirige un équipage, pour les conditions matérielles nécessaires à en assurer le bon commandement. Une mutinerie est vite arrivée et le célèbre épisode des Révoltés du Bounty n’est pas si loin. Les romans de C. S. Forester parviennent à faire tenir tous ces éléments, historiques, contextuels, psychologiques de manière cohérente, non sans une pointe d’humour anglais. Et à l’image de tout grand récit d’aventures, pour peu qu’on s’y embarque, ils ont le don de nous transporter dans un autre espace-temps.