Les écrivains voyageurs
Niels Labuzan au Botswana...
...nous raconte les coulisses de l'écriture de son roman Ivoire, publié le 9 janvier 2019 aux éditions JC Lattès.
Je me suis souvent posé cette question : que signifierait un monde sans animaux sauvages ? Un monde où l’homme aurait éteint les espèces les plus significatives – en termes de longévité, de patrimoine génétique, de préservation de la biodiversité… J’ai eu envie, à travers l’écriture d’un roman, d’approfondir cette question en m’intéressant tout particulièrement à l’éléphant.
Qu’il soit peint sur un mur, utilisé pour livrer une bataille, exposé dans un palais ou un zoo… l’éléphant fascine. Il fascine car il est le plus grand animal terrestre, car il est unique mais aussi parce qu’il est un être intelligent à l’organisation sociale très structurée. Seulement, il fascine tant que l’homme cherche à le posséder.
Le trafic d’ivoire existe depuis des siècles et il ne cesse de se transformer. Aujourd’hui, et peut-être pour la première fois, ce trafic est si intense qu’il menace la survie de l’espèce. D’ici quelques décennies, les chercheurs affirment qu’il pourrait ne plus y avoir d’éléphants en liberté sur le sol africain.
« Pendant plusieurs jours, je n’allais croiser que quelques hommes et des centaines d’éléphants. C’est le soir, enfermé dans ma tente avec l’interdiction de sortir que le livre a pris forme, qu’il a trouvé cette mesure que je voulais lui donner.. »
Avec Ivoire, je voulais interroger ce conflit, mettre en perspective, savoir comment vivaient ceux qui étaient confrontés à ces animaux sauvages. Je voulais aborder l’animal à travers son territoire, à travers ce qu’il représente pour l’homme et aussi d’une manière plus factuelle en mettant en avant la manière dont le commerce de l’ivoire s’organise autour d’une multitude d’acteurs et de groupes criminels internationaux.
Il était important pour moi de trouver une juste mesure et de raconter une diversité de points de vue. Pour cela, il me fallait aller à la rencontre des éléphants, au Botswana. Ce pays d’Afrique australe a su préserver sa faune et sa flore en passant des lois très dures, notamment à l’encontre des braconniers. Là-bas, entre le delta de l’Okavango et la rivière Chobe, plus d’un tiers des éléphants d’Afrique se regroupent car ils savent que sur cette terre ils peuvent être en sécurité.
C’est cette nécessité de voyage qui m’a amené à postuler à une bourse Hors les murs Stendhal et à exposer mon envie de livre à l’Institut français.
Quelques mois plus tard, j’arrivais à Gaborone où j’étais accueilli par l’Alliance française avec qui j’allais participer à plusieurs événements. Ainsi, j’ai pu animer une rencontre littéraire et être le temps de quelques heures professeur à l’université.
Puis, je me suis rendu à Maun, dans le Nord, pour me rapprocher du bush. J’ai vécu ces territoires qui m’avaient tant attiré°: Okavango, Moremi, Savuti… C’est là que l’écriture a pris un sens. Les recherches que j’avais effectuées, les personnes à qui j’avais parlé, les avis divers que j’avais entendus, tout existait à mesure que je m’ouvrais à ce monde où je n’étais qu’un invité.
Pendant plusieurs jours, je n’allais croiser que quelques hommes et des centaines d’éléphants. C’est le soir, enfermé dans ma tente avec l’interdiction de sortir que le livre a pris forme, qu’il a trouvé cette mesure que je voulais lui donner.
© Mantovani