Jeunesse

Pénélope, Sophie et la Comtesse  

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✒ Jean-Marie David-Lebret

(Librairie Goulard Aix-en-Provence)

Pour accompagner l’adaptation au cinéma des Malheurs de Sophie par Christophe Honoré, Gallimard Jeunesse réédite sous des couvertures signées Pénélope Bagieu cinq romans de la comtesse de Ségur. Une belle occasion de retrouver un peu de son enfance.

Qui n’a pas vibré ou tremblé au rythme des bêtises de Sophie, des malheurs de Cadichon, et des infâmes punitions que la mère Mac’Miche inflige à Charles, ce « bon petit diable » ? Voyages dans l’univers magique de l’enfance, les célèbres romans de la comtesse de Ségur n’ont rien perdu de leur fraîcheur irrésistible même s’ils sont marqués par l’esprit du Second Empire et qu’ils portent des valeurs morales éloignées de notre temps. Ces romans réédités en permanence, lus par quatre générations, comptent aujourd’hui encore, parmi les meilleures ventes de la littérature jeunesse. Pour ses petits-enfants, la comtesse eut l’idée d’écrire des histoires inspirées de sa propre jeunesse. Elle régla quelques comptes avec sa mère en la prenant comme exemple pour les personnages de marâtres. Et elle se mit en scène dans la trilogie de « Fleureville » sous les traits de Sophie, une petite fille vive, gourmande, entêtée et capricieuse.

L’héroïne des Malheurs de Sophie, des Petites Filles modèles, des Vacances croit toujours bien faire, mais ne commet que des bêtises. Elle fait du thé avec l’eau du chien, coupe ses sourcils, laisse fondre sa poupée de cire... Avec son cousin et ses amies, des petites filles exemplaires qu’elle peine à imiter, Sophie vit les joies et les drames de l’enfance.

Comme Sophie vis-à-vis de sa belle-mère cruelle, Charles, le héros impertinent d’Un bon petit diable ne manque pas d’imagination lorsqu’il s’agit de faire des farces à sa vieille cousine écossaise, la détestable et avare Mme Mac’Miche, en réponse aux misères qu’il subit. On le voit, la maltraitance – qu’elle vienne de la folie de certains adultes ou de la cruauté des enfants – est un sujet récurrent chez l’auteure.

Dans les Mémoires d’un âne, la comtesse s’intéresse à la cause animale et se fait la mémorialiste de Cadichon, un animal tour à tour sympathique et farceur, bon avec ceux qui le traitent bien, mais vindicatif et rancunier envers ceux à qui il en veut. L’âne souffre beaucoup de l’incompréhension, du mépris ou de l’indifférence de ses maîtres successifs. À travers ces romans drôles qui ont influencé des séries comme Les Contes du chat perché, Le Petit Nicolas (disponibles en Folio Junior) ou encore Les Triplés (Nicole Lambert), le jeune lecteur découvrira un peu la vie des enfants de la bourgeoisie au xixe siècle. Il faut remercier la comtesse d’avoir su insuffler à son œuvre l’émotion littéraire et le plaisir enfantin, même si certains adultes peuvent trouver excessif son moralisme. Car comme le voulait son époque, les histoires sont aussi des leçons de morale.